Le mouvement Vetëvendosja d’Albin Kurti et le Mouvement pour l’Union évoquent désormais le « droit à l’autodétermination » des Serbes du nord du Kosovo et des Albanais de la Vallée de Preševo : un échange de territoire serait la seule solution pour satisfaire les aspirations nationales et établir une paix durable. Ils dénoncent aussi le « carcan » de la Constitution du Kosovo, qui empêche celui-ci de pouvoir choisir librement son destin et une éventuelle réunion avec les autres régions albanaises des Balkans.
Par Besnik Krasniqi
Les dirigeants du Mouvement pour l’Union et ceux de « Vetëvendosja ! » cherchent encore des solutions pour mener le Kosovo sur la voie de l’autodétermination. Lors d’une conférence organisée jeudi 26 mars, ils ont présenté un projet permettant de réaliser leurs aspirations. Concrètement, ils voudraient que les Serbes des communes de Leposavić, Zubin Potok et Zvećan se prononcent sur un éventuel rattachement à la Serbie. En échange de quoi, les Albanais des trois communes du sud de la Serbie - Preševo, Medvedja et Bujanovac - se prononceraient sur un éventuel rattachement au Kosovo.
Valon Murati, un des dirigeants du Mouvement pour l’Union, a déclaré que le principal intérêt national du Kosovo ne résidait pas dans la souveraineté de Pristina sur le Nord du Kosovo mais davantage dans le rattachement des trois communes du « Kosovo oriental » (Sud de la Serbie). Il a lancé un appel afin que le gouvernement institutionnalise un système permettant la réciprocité des droits des Serbes du nord du Kosovo avec ceux des Albanais du « Kosovo oriental ».
« Sachant que la Serbie a encore suffisement d’appétit pour avaler une grande partie du Kosovo, nous pensons que, de Tirana à Pristina, notre politique doit poser la question de la réciprocité des droits des deux peuples », a déclaré Valon Murati. Il a ajouté que « si nous arrivons à instaurer cette politique, la situation sera plus détendue et nous pourrons résoudre plus facilemement le contentieux albano-serbe à travers un processus d’autodétermination. »
De même, Albin Kurti, le dirigeant du mouvement Vetëvendosja ! [« Autodétermination »] a appelé à une politique plus ferme pour la réciprocité des droits de part et d’autre de la frontière. « Il ne doit pas y avoir de privilèges pour les Serbes ni de sous-représentation pour les Albanais. Il ne peut pas y avoir de paix durable sans réciprocité des droits des Serbes au Kosovo avec ceux des Albanais du « Kosovo oriental ». Si cette situation perdure, le conflit ne prendra jamais fin. Avec l’aide de Pristina et Tirana, les Albanais du « Kosovo oriental » doivent s’unir sous le drapeau national pour la démilitarisation de la vallée de Preševo et pour la création d’une Université albanaise dans cette région ».
Membre du Mouvement pour l’Union, Agim Kuleta dénonce quant à lui l’immobilisme du gouvernement de Pristina sur cette question « Si nous abordons ce problème, c’est parce que nos institutions ne le font pas. D’une certaine manière, les membres du Mouvement pour l’Union sont aujourd’hui des députés sans mandat, les représentants d’une région oubliée par le gouvernement. Nous sommes des députés moraux ».
Pour ces « députés moraux », la déclaration d’indépendance du Kosovo sur la base du plan de Ahtisaari n’a pas résolu les contentieux albano-serbe. D’autant plus qu’ils estiment que les problèmes actuels sont intimement liés à la Consitution du Kosovo, rédigée sur la base des propositions du plan Ahtisaari.
Valon Murati a déclaré que « ce plan et son sous-produit, la Constitution du Kosovo, nuisent lourdement au principe « d’autodétermination extérieure ». La Constitution ne considère pas le peuple albanais comme une nation, mais comme une communauté parmi d’autres communautés. Cas unique au monde, notre pays n’est pas un État-nation mais un « État de communautés ». À ce titre, nous n’avons donc pas le droit de nous autodéterminer comme une « vraie » nation. De plus, à cette aberration se rajoute l’article 1.3 de la Constitution, qui stipule que le Kosovo ne peut se rattacher à un autre État. La question nationale albanaise est cadenassée par la Constitution du Kosovo ».
Toujours selon Valon Murati, les Serbes des communes du nord du Kosovo (Leposavić, Zubin Potok et Zvećan) ne peuvent être considérés ni comme une « minorité » ni comme une « communauté ». Ils doivent pouvoir jouir du droit à l’autodétermination, tout comme les Albanais des communes du « Kosovo oriental ». Cependant, il fait remarquer que cette solution ne vaut ni pour les enclaves serbes sans contiguïté frontalière avec la Serbie, ni pour la partie nord de la ville de Mitrovica.
Albin Kurti souligne que l’exercice du droit à l’autodétermination ne peut pas être détaché de la question des territoires peuplés par des Albanais, et que les modifications du tracé de la frontière résulteront d’un échange de territoires. Toutefois, il rappelle que ces changements ne se feront pas sans difficultés : « L’échange de territoires entre le Kosovo et la Serbie ne se fera pas de manière pacifique. La classe politique serbe doit prendre exemple sur Dimitrije Tucović, et oublier Nicolas Pašić [1] ».
[1] Dimitrije Tucović (1881-1926), militant socialiste serbe, Nikola Pašić (1845-1926), dirigeant du Parti radical, Premier ministre de Serbie à plusieurs reprises de 1891 à 1926.