Le rapport se concentre largement sur la production et le trafic d’héroïne et de cocaïne en provenance d’Afghanistan qui empruntent « la route des Balkans » pour arriver jusqu’aux consommateurs d’Europe occidentale, le plus grand marché mondial pour l’héroïne.
Les Balkans sont désignés comme l’une des routes principales pour le transit de l’héroïne, car les saisies en Europe du sud-est sont faibles, alors que la corruption, le crime organisé et le manque de coopération régionale sont des facteurs favorables au trafic.
Les réseaux de la diaspora en Europe occidentale sont largement utilisés pour le transit par les pays des Balkans, et la coopération interethnique se porte très bien dans le domaine.
L’essentiel de l’héroïne en provenance d’Afghanistan et destinée au marché de l’Europe occidentale emprunte la « route des Balkans », après avoir transité par le Pakistan et/ou l’Iran, puis la Turquie.
On estime que 37% de l’héroïne afghane, soit quelque 140.000 tonnes, transitent par cette route pour satisfaire aux besoins d’un marché estimé à 85.000 tonnes. Des saisies sont opérées le long de cette route, la République islamique d’Iran et la Turquie ont ainsi saisi à elles deux la moitié de l’héroïne totale saisie dans le monde en 2008.
Le rapport précise que les saisies sont moindres dans les pays des Balkans à cause de la corruption, du manque de coopération régionale et des « structures claniques hiérarchisées ».
« Une fois que la marchandise quitte le territoire turc, les saisies diminuent d’une manière importante. On saisit relativement peu d’héroïne dans les Balkans, ce qui laisse à penser que la route est très bien organisée et les rouages bien huilés par la corruption.
En 2008, dans les pays et territoires du sud-est de l’Europe, c’est-à-dire onze pays, Grèce et Chypre inclus, on a saisi 2.800 tonnes d’héroïne, alors qu’on en a saisi 15.500 tonnes en Turquie et 32.000 tonnes en Iran. Autrement dit, pour chaque kilo saisi en Europe du sud-est, la Turquie en saisit six fois plus et l’Iran onze fois plus.
« Étant donné que 85 à 90.000 tonnes de drogue transitent par cette région, on peut penser que les contrôles sont inefficaces et que la coopération est mauvaise dans une région où les taux de chômage très élevés et les salaires très bas sont autant d’incitation à la corruption », conclut le rapport.
Il y a cependant eu des efforts transfrontaliers couronnés de succès. Pour l’opération anti-narcotique conjointe « Guerrier balkanique », mené par les polices de Serbie, d’Argentine, des Usa et d’Uruguay ont travaillé ensemble et, en octobre 2009, leurs efforts communs ont permis la saisie de 2.100 tonnes de cocaïne de grande qualité destinées au marché européen.
Le personnage principal présumé dans cette affaire semble bien être le nouveau » roi de la drogue » Darko Šarić, sous le coup d’un mandat d’arrêt, mais toujours en liberté.
Le 13 avril dernier, le procureur serbe pour le bureau de lutte contre le crime organisé a inculpé Šarić et 19 membres de son groupe de trafic de cocaïne. L’opération est toujours en cours.
Le rapport note que les groupes du crime organisé de la région sont de puissants relais pour le trafic de stupéfiants dans les Balkans, leurs profits sont en hausse notable et ils sont impliqués dans toutes sortes d’autres trafics, y compris celui des êtres humains.
« Dans la région, les corridors fonctionnent dans les deux sens, cocaïne dans un sens, amphétamines et autres substances chimiques dans l’autre sens vers la Turquie et au-delà. Le crime organisé contrôle ces couloirs et a ainsi un bien meilleur accès aux marchés criminels, nombreux et diversifiés, que leurs collègues des routes de la drogue du nord de l’Europe.
Ainsi, ces groupes sont polyvalents et se livrent au trafic de cocaïne, cannabis et d’autres substances, ainsi qu’au trafic d’armes, de voitures volées et d’êtres humains ».
Coopération interethnique et rôle de la diaspora
Le transit de la drogue par les pays des Balkans vers l’Europe occidentale est favorisé par les réseaux de la diaspora. Le rapport indique que « des réseaux importants fonctionnent selon des bases ethniques très bien structurées, ce qui les rend particulièrement difficiles à infiltrer. Cela explique leur implication permanente dans plusieurs réseaux de trafic d’héroïne en Europe. Les réseaux albanais continuent à être particulièrement actifs en Grèce, en Italie et en Suisse.
L’Italie est l’un des principaux marchés en Europe et l’une des plaques tournantes où les réseaux balkaniques exploitent la diaspora locale. Selon les statistiques des saisies de l’Organisation mondiale des douanes, les Albanais comptent pour 32% de toutes les personnes arrêtées pour trafic d’héroïne en Italie entre 2000 et 2008.
L’autre groupe est celui des Turcs, suivis par les Italiens et les ressortissants des autres pays des Balkans (Bulgarie, Kosovo, Serbie, Macédoine et Grèce).
La coopération ne se limite d’ailleurs pas aux différents groupes ethniques, mais le rapport constate que ces trafics se développent de plus en plus sur une base interethnique.
« Les différents groupes coopèrent sans barrières ethniques. Les groupes kurdes ou turcs ainsi que les groupes de Bosnie, de Serbie, d’Albanie, de Croatie coopèrent sans problèmes. Le rapport du contrôle stratégique international des narcotiques des Usa pour 2010 affirme qu’en ce qui concerne le trafic dans les Balkans, « chaque groupe ethnique et les principales ’familles’ du crime organisé sont impliquées dans le trafic des stupéfiants, sans barrière ethnique ».
Le rapport demande un soutien plus important des pays développés, ce qui exige un soutien extérieur pour maîtriser le trafic des stupéfiants, tout en encourageant une meilleure coopération régionale et en renforçant les contrôles frontaliers dans la région des Balkans, par exemple par le biais de l’Initiative de coopération pour l’Europe du Sud-Est.