L’argent de Juan Carlos caché en Suisse agite l’Espagne


Podemos réclame l’ouverture d’une commission d’enquête suite aux révélations de la «Tribune de Genève» sur les 100 millions dissimulés en Suisse par l’ancien roi d’Espagne.

L’immunité de Juan Carlos, reconduite sur vote du parlement après son abdication, pourrait faire obstacle à la justice.
L’immunité de Juan Carlos, reconduite sur vote du parlement après son abdication, pourrait faire obstacle à la justice.
Oscar Gonzalez/NurPhoto

L’onde de choc se poursuit en Espagne, après les révélations publiées mercredi par la «Tribune de Genève» concernant la fortune suisse de l’ancien roi d’Espagne. Alors que la presse et la télévision espagnoles relayaient l’information, tout spécialement en Catalogne, les principaux partis politiques ont accueilli la nouvelle avec circonspection. Ils ont d’abord observé un silence prudent, face à l’annonce de l’enquête ouverte, en Suisse, autour des 100 millions de dollars versés depuis l’Arabie saoudite, en 2008, sur un compte caché à Genève du roi Juan Carlos d’Espagne, qui a été chef de l’État pendant près de quarante ans (1975-2014).

Première à réagir, la formation de gauche Podemos a appelé jeudi à l’ouverture d’une enquête parlementaire sur la question. Elle devrait être suivie par les partis nationalistes régionaux. Reste à savoir si elle arrivera à convaincre ses alliés socialistes, qui ont jusqu’ici toujours fait front pour protéger la monarchie et défendre la stabilité des institutions malgré les scandales.

«Une démocratie moderne ne peut pas se permettre que ce type de doutes et de soupçons planent sur celui qui a été chef de l’État», affirme le porte-parole de Podemos, Pablo Echenique. «On ne défend pas la couronne par l’opacité», insiste le député Joan Baldoví, du petit parti valencien Compromís. «Les socialistes qui prétendent conduire le gouvernement du changement devraient appuyer l’initiative», estime aussi Gabriel Rufián, porte-parole des indépendantistes de gauche catalans (ERC).

Mais si, en privé, nombre d’élus du Parti socialiste (PSOE) avouent réprouver les pratiques douteuses de l’ancien souverain, ils rappellent aussi qu’il a précisément été poussé à l’abdication pour ces raisons, en 2014. Et que, depuis, son fils Felipe a posé strictement les nouvelles règles de la Maison royale, éthique, transparente et plus austère.

En attendant, le Parquet anticorruption espagnol a remis, mercredi soir, une commission rogatoire à la Suisse afin de connaître les détails des mouvements de fonds sur le compte de Juan Carlos, et tout particulièrement le versement de 65 millions de dollars à son ancienne maîtresse Corinna Larsen (anciennement zu Sayn-Wittgenstein), qui pourrait être en relation avec le versement d’une commission sur un gros contrat décroché par des entreprises espagnoles en Arabie saoudite.

La fortune suisse de l’ancien monarque est une surprise qui n’en est pas tout à fait une en Espagne. «Il a bénéficié d’une tolérance inhabituelle de la part des médias durant des années, mais il est difficilement admissible qu’un chef d’État dont le train de vie est payé par les impôts des citoyens de son pays dissimule de l’argent d’origine douteuse dans un compte à l’étranger», souligne le journaliste Juan Luis Sánchez, du quotidien digital eldiario.es, qui a beaucoup publié sur les dessous de la monarchie.

Mais l’un des principaux obstacles pour la justice pourrait bien être l’immunité de Juan Carlos. Elle lui avait été accordée en tant que chef de l’État, avant d’être reconduite sur vote du parlement lors de son abdication. Reste à savoir si cette «inviolabilité» concerne uniquement les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions ou si elle couvre aussi les agissements dans le cadre de sa vie privée. Sur ce chapitre aussi, il semble que le flou règne, même si l’opinion publique et la nouvelle génération d’élus semblent de moins en moins disposées à lui accorder le bénéfice du doute.

Publié: 06.03.2020, 06h57

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