Les comptes secrets de Juan Carlos secouent la monarchie espagnole

Les Espagnols exigent que l’argent caché de l’ancien roi soit versé aux hôpitaux publics débordés.

Le roi Felipe VI d’Espagne se distancie des agissements douteux de son père, Juan Carlos.
Le roi Felipe VI d’Espagne se distancie des agissements douteux de son père, Juan Carlos.
EPA

«Toujours plus de scandales. Une fondation suisse payait les voyages secrets du roi.» Les informations publiées samedi par «24 heures» et «La Tribune de Genève» tournent sur les réseaux sociaux et alimentent la colère en Espagne contre le roi émérite, Juan Carlos. Les détails sur l’usage de la fortune placée sur des comptes cachés en Suisse par l’ancien monarque provoquent l’indignation, alors que des témoignages le situeraient comme l’axe central d’une supposée trame de corruption, actuellement sous le coup d’investigations judiciaires entre Genève et Madrid.

Pendant que l’Espagne strictement confinée digère ces flots de révélations, le roi Felipe a tenté en urgence de creuser une tranchée et de protéger la couronne en se distanciant des agissements douteux de son père. Dans un communiqué sec et sans précédent, il a annoncé qu’il renonçait à l’héritage paternel et privait l’ancien roi Juan Carlos (qui a abdiqué en 2014) de sa dotation de 194'000 euros.

Mais cela va-t-il suffire à garantir la continuité de la monarchie? Rien n’est moins sûr, face à une opinion publique chauffée à blanc sur les groupes WhatsApp et les réseaux sociaux. Les efforts de confinement rendent encore moins digérables les rumeurs de commissions occultes et de comptes offshore. La colère gronde et, mercredi dernier, au moment du discours solennel du roi Felipe appelant à l’unité nationale face à la crise sanitaire, des concerts de casseroles résonnaient sur les balcons, pour réclamer que le souverain demande à son père de «rendre le fric» pour le verser aux hôpitaux publics débordés par la crise sanitaire.

«Il faut laisser clairement entendre que Juan Carlos va quitter l’Espagne»

«Le geste du roi Felipe rompant avec son père est important mais pas suffisant», selon l’éditorialiste José Antonio Zarzalejos, ancien directeur du journal monarchiste conservateur «ABC». «Il s’agit pour le moment de mesures d’ordre familial, mais il faut des décisions d’ordre institutionnel», dit-il en réclamant un exil du vieux roi afin de ne pas entacher l’image de la couronne, sur le mode du roi Edouard VIII appelé à quitter définitivement le Royaume-Uni après son abdication en 1936 pour se marier avec Wallis Simpson.

«C’est une question de réputation publique institutionnelle. Il faut marquer une rupture irréversible et laisser clairement entendre que Juan Carlos va quitter le pays et ne plus jouir d’aucun des bénéfices associés à la couronne, comme l’usage des palais de la Zarzuela et d’Orient à Madrid, les véhicules, la sécurité et tous les services liés à la Maison du roi», insiste l’éditorialiste. Ces mesures sont d’autant plus importantes à ses yeux qu’une bonne partie de l’opinion publique espagnole a longtemps été plus «juancarliste» que réellement attachée à la monarchie, reconnaissante pour son rôle personnel dans le rétablissement de la démocratie après quarante ans de dictature. Ce statut particulier avait ouvert au vieux roi un traitement de faveur de la part des médias.

«Tant qu’il s’agissait de sa vie privée et de ses écarts conjugaux, cela ne nous concernait pas, justifie José Antonio Zarzalejos. Nous avons toujours présumé qu’il agissait de façon correcte dans le cadre de ses fonctions», souligne-t-il. Selon lui, Juan Carlos, qui a «trahi la confiance des Espagnols», va devoir assumer les conséquences de ses actes. En subissant une mise à l’écart absolue et en assumant ses éventuelles responsabilités pénales pour les faits postérieurs à la date de son abdication en 2014, qui marque aussi la fin de son «inviolabilité» en tant que souverain.

Publié: 22.03.2020, 22h13

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