"Bélarus: nouvelle crise diplomatique avec l’UE", Anaïs Marin

Bélarus: nouvelle crise diplomatique avec l’UE
Par Anaïs Marin (Sources: naviny.by, kommersant.ru, ru.euronews.net, tut.by, vesti.ru )
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Mardi 28 février Aliaksandr Loukachenka a «invité» l’ambassadeur de Pologne Leszek Sherepka et la chef de la Délégation de l’Union européenne (UE) à Minsk Maira Mora à «retourner dans leurs capitales pour transmettre la position ferme de la République du Bélarus qui juge inacceptables la pression et les sanctions». En langage diplomatique, il s’agit ni plus ni moins d’une expulsion. La réponse de Bruxelles ne s’est pas fait attendre: pour «exprimer leur solidarité et leur unité», tous les pays membres de l’UE ayant des ambassadeurs au Bélarus les ont «rappelés pour consultations».

Ce n’est pas la première fois qu’une telle escalade se produit. En avril 1998, Loukachenka avait fait évacuer les résidences diplomatiques américaine et européennes de manière encore plus cavalière, en leur coupant l’eau et l’électricité. La crise avait duré 6 mois avant que les ambassadeurs ne reviennent. Cette fois-ci les défenseurs des droits de l’Homme mettent en garde les Européens contre un retour avant que les derniers prisonniers politiques qui croupissent dans les prisons bélarusses n’aient tous été libérés et réhabilités.

Car telle est la condition posée depuis plus d’un an par les Occidentaux pour une reprise du dialogue avec le régime, prélude nécessaire à une hypothétique normalisation de leurs relations. Et c’est le refus de se plier à cette «pression inacceptable» - Loukachenka persiste à croire que les droits de l’Homme relèvent des «affaires intérieures» du pays – qui justifie les «mesures restrictives» de l’UE à l’encontre du régime, à savoir une interdiction de visa et un gel des avoirs contre désormais 242 officiels bélarusses placés sur liste noire. Cette liste a été allongée régulièrement depuis que l’application des sanctions a été remise en œuvre le 31 janvier 2011.

Lundi dernier justement les ministres des Affaires étrangères de l’UE y ont ajouté les noms de 19 juges et 2 agents des forces de l’ordre impliqués dans les répressions en cours. Le chiffre de 135 nouveaux noms avait pourtant circulé, mais des divisions entre pays membres ont, comme souvent, conduit à un consensus a minima. La Slovénie notamment a opposé son véto à l’ajout sur la liste noire d’un homme d’affaires proche du régime, Youri Chizh, dont l’une des sociétés de BTP construit actuellement un hôtel de luxe à Ljubljana.

Certains membres de l'UE auront donc pris au sérieux les menaces proférées par Loukachenka le 20 février que «s’ils franchissent la ligne rouge, ces pays qui agitent sous notre nez la menace de sanctions verront que l’on répondra très durement». Comme toujours, les opposants bélarusses risquent aussi d’être la cible de représailles: le bruit court par exemple que le régime pourrait ajouter sur la liste des personnes interdites de sortie du territoire les noms d’une centaine d’activistes ayant appelé l’UE à durcir ses sanctions – ce qui, en l’état actuel de la législation bélarusse, est (encore) impossible.

En créant l’onde de choc, cette énième crise diplomatique pourrait bien ressouder les Occidentaux derrière l’idée que seul un véritable embargo économique pourrait «étouffer» le régime de Loukachenka. Dès lors que Moscou lui a renouvelé son soutien financier et diplomatique, il est peu probable que les Européens s’entendent sur une telle escalade d’ici à leur prochaine réunion, fixée au 23 mars. «Les Européens n’ont pas de couilles», affirmait avec sa vulgarité habituelle Loukachenka en décembre dernier sur le plateau d’une télévision russe. Sauront-ils lui prouver le contraire?

Dépêche publiée le 01/03/2012

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