"Etats-Unis, thalassokrator mais pas thalassocratie", Pierre Royer

Etats-Unis, thalassokrator mais pas thalassocratie

Par Pierre ROYER*, le 26 octobre 2012, diploweb

Professeur au lycée Claude Monet. Officier de Marine (CR)

Carte géopolitique. Pierre Royer signe ici un commentaire inédit d’une carte publiée dans son ouvrage, Géopolitique des mers et des océans, qui tient la mer tient le monde, (coll. Major, PUF, 2012) : "Les Etats-Unis, thalassokrator". Carte jointe en grand format (cliquer sur la vignette).

BIEN qu’imaginé il y a 2000 ans par Strabon, le terme de thalassokrator (« maître de la mer ») semble taillé sur mesure pour décrire la position des Etats-Unis depuis 70 ans. La carte jointe, extraite de Qui tient la mer tient le monde ; géopolitique des océans (coll. Major, PUF, 2012), montre qu’au-delà de leur domination matérielle (une dizaine de porte-avions à propulsion nucléaire, le double de navires d’assaut, une cinquantaine de SNA…) et technologique (monopole des catapultes pour porte-avions, missiles de croisière d’une portée de 2500 km), c’est leur capacité à entretenir sur tous les océans une permanence à la mer, indispensable au contrôle des flux stratégiques, et à pouvoir intervenir avec un faible délai en n’importe quel point critique, qui fait leur force. Cette double capacité tient au réseau de bases qu’ils entretiennent sur leurs propres territoires (dans le Pacifique, où l’US Navy prévoit de déployer 60 % de ses unités à la fin de la décennie, confirmant le basculement du centre de gravité mondiale) ou chez leurs alliés ; ces bases permettent le prépositionnement d’unités d’intervention interarmées et leur ravitaillement, mais aussi, pour les plus importantes d’entre elles, l’entretien et la réparation des navires qui n’ont donc pas besoin de retourner aux Etats-Unis régulièrement.

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Carte. Les Etats-Unis, thalassokrator
Carte extraite de l’ouvrage de P. Royer, "Géopolitique des mers et des océans" (coll. Major, PUF, 2012)

Cliquer sur la vignette pour voir la carte en grand format

Pour autant, comme l’a souligné H. Coutau-Bégarie (1956-2012) dans son article « Le problème de la thalassocratie », les Etats-Unis ne constituent pas une thalassocratie au sens où l’était le Royaume-Uni, par exemple. Certes, leur économie est, comme toutes les économies mondialisées, dépendante de ses importations, mais certainement moins que celle des pays européens ou, plus encore, asiatiques : leurs importations d’hydrocarbures viennent d’abord d’Amérique, leur taux d’ouverture (ratio commerce extérieur / PIB) est bien plus faible que ceux des pays d’Europe et, contrairement à la Chine, leur croissance est d’abord portée par leur marché intérieur. Paradoxalement, le « maître de la mer » pourrait sans doute se passer plus facilement des échanges maritimes que n’importe quelle autre puissance actuelle !

Copyright texte Octobre 2012-Royer/Diploweb.com Copyright carte Pierre Royer, Géopolitique des mers et des océans, Coll. Major, PUF, 2012

. Voir un autre article de Pierre Royer, "Géopolitique de la mer et des océans" Voir


Plus

. Pierre Royer, Géopolitique des mers et des océans. Qui tient la mer tient le monde !, Coll. Major, PUF, octobre 2012.

4e de couverture

Les océans ont beau constituer 70% de la surface terrestre, leur rôle est souvent sous-estimé. Qui a conscience que plus de 80 % du commerce mondial se fait par voie maritime ? Que 90 % des communications internationales empruntent des câbles sous-marins ? Qui se doute des effets cataclysmiques qu’aurait l’interruption du trafic maritime en quelques semaines ? Les routes maritimes sont pourtant les artères de la mondialisation, et c’est ce qui justifie l’intérêt constant que leur portent les grandes puissances maritimes. Loin d’être un luxe hors de prix, la puissance navale est une condition impérative de la liberté : liberté de commercer, d’agir pour protéger ses intérêts, de résister aux chantages sur l’accès aux ressources car, comme le disait Walter Raleigh : « Qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce tient la richesse ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même ».

. Une analyse à la fois très actualisée et ancrée dans le temps long puisque mers et océans sont particulièrement soumis au principe d’inertie.

. Une description géoéconomique précise de tous les océans et des principales mers : flux et échanges, routes et détroits, ports et activités littorales…

. Une étude géopolitique des grandes puissances navales, de leurs moyens, deleurs stratégies, de leurs rivalités.

. Tous les enjeux actuels et futurs du contrôle des mers et des océans : économiques, scientifiques, géopolitiques, environnementaux…

. De nombreuses cartes pour visualiser les dynamiques et les affrontements qui caractérisent mers et océans.

Agrégé d’histoire, diplômé de Sciences po Paris en Relations internationales et officier de Marine de réserve, Pierre Royer enseigne en classe préparatoire ECS à Ipésup.