"Crise politique en Macédoine", Florent Marciacq

Par Florent Marciacq (sources: Balkan Insight, Konrad Adenauer Stiftung)

18-III-13, regard-est
Le 24 décembre 2012, les services d’ordre, sur demande du parti majoritaire au pouvoir VMRO-DPMNE, évacuaient de l’Assemblée nationale macédonienne une partie des députés de l’opposition ainsi que des journalistes filmant la scène. Cet usage de la force dans l’enceinte parlementaire a plongé la Macédoine dans une crise politique aigue. Accusés de vouloir commettre un coup d’État, les députés de l’opposition s’opposaient en réalité à l’adoption du projet de budget 2013 élaboré par le gouvernement de Nikola Gruevski. Celui-ci prévoyait de conclure deux nouveaux emprunts, alors même que le gouvernement, malgré la crise, a engagé un projet pharaonique de reconstruction du centre ville de Skopje. L’opposition critiquait plus généralement la politique budgétaire peu rigoureuse du gouvernement et son orientation nationaliste. Le projet de reconstruction de Skopje en est l’illustration: il promeut une architecture historiciste suggérant la filiation de l’actuelle Macédoine avec celle d’Alexandre le Grand, au grand dam de la Grèce (et des Albanais de Macédoine).

Après avoir fait évacuer de l’Assemblée les députés de l’opposition, le parti au pouvoir a voté l’adoption du budget 2013. Mais ce procédé à la légalité pour le moins douteuse a nourri un esprit de révolte dans le pays et a alerté les autorités européennes. Ces deux derniers mois, la Macédoine a connu des manifestations de grande ampleur, ponctuées d’appels à la désobéissance civique. Qualifié d’autoritaire, le gouvernement de Nikola Gruevski n’a pas contribué à apaiser les tensions. Le chef de l’opposition, Branko Crvenkovski, a alors déclaré que son parti boycotterait les prochaines élections municipales, à moins que le gouvernement, jugé illégitime, n’organise de nouvelles élections générales. L’absence de dénouement à la crise politique commençait en février 2013 à menacer sérieusement les perspectives européennes de la Macédoine.

Afin d’éviter que le pays ne sombre dans le chaos, comme ce fut le cas en 2004, et qu’il ne voie encore s’éloigner ses perspectives d’adhésion, l’Union européenne a délégué début mars un trio de médiateurs de haut niveau, comprenant notamment le Commissaire européen à l’élargissement. L’appui (voire la pression) de l’Union a permis aux principaux leaders politiques macédoniens de conclure un accord mettant fin à la crise politique. L’opposition a obtenu que le gouvernement organise des élections générales anticipées, qu’il ouvre un débat sur les libertés démocratiques et lance une commission d’enquête sur les événements de décembre 2012. En échange, l’opposition ne boycottera pas les prochaines élections municipales.

L’intervention de l’UE aura certes évité le pire. Car outre les risques d’embrasement endémiques à la Macédoine, un durcissement de la crise aurait certainement nui aux perspectives européennes de la jeune démocratie. L’accord intervient d’ailleurs quelques jours avant que Conseil européen ne se réunisse une fois de plus, les 14 et 15 mars, afin de décider s’il autorise le pays à débuter ses négociations d’adhésion. Si elle était souhaitable, cette médiation de l’UE ne traite néanmoins pas la racine du mal, à savoir le pourrissement de la situation politique de la Macédoine. Candidat à l’adhésion depuis 2005, le pays est bloqué dans son intégration à l’UE en raison d’un différend bilatéral avec la Grèce, portant sur son nom. En ne permettant pas à la Macédoine de progresser sur la voie de l’adhésion, et ce malgré les recommandations de la Commission et du Parlement européens, l’UE entretient un climat de plus en plus instable en Macédoine.

Dépêche publiée le 04/03/2013

Zone : Balkans