Tanzanie. Notes photographiques, humeurs géographiques, questions politiques et stratégiques

Par Alexandre MOUTHON, le 14 décembre 2014, diploweb

Géographe et photographe, travaille en indépendant à la réalisation de récits documentaires, notamment photographiques et vidéographiques, ainsi qu’à des articles de fond.

Géopolitique de l’Afrique. Cette contribution propose de tisser des liens, à partir d’une photographie de reportage, entre une image, une analyse, un questionnement et des ressources de natures variées. Un dogme a encadré la prise de vues, établi dès le départ : l’usage du 50 mm comme unique focale. Cette optique revêt un sens particulier pour les photographes. Pendant longtemps, il a été un étalon de mesure, l’angle le plus utilisé car, disait-on, son champ reproduirait au mieux la vision de l’œil humain fixant son attention sur un sujet. Les sciences humaines et sociales, et notamment la géographie et l’ethnologie, lorsqu’elles ont recours à l’image fixe, choisissent le plus souvent des cadrages au 50 mm. Les images ainsi produites se veulent « fidèles » à l’idée d’une certaine réalité observable dans la démarche scientifique. La principale raison est que les déformations occasionnées par cette optique – d’où la référence à « l’œil humain » - sont imperceptibles, à l’inverse de celles des grands angulaires abondamment utilisés à partir des années 2000 dans le photojournalisme. Les sciences humaines et sociales sont encore frileuses à en produire elles-mêmes dans leurs discours, comme si cette plasticité portait dans ses « déformations » une présence de l’auteur trop affirmée portant potentiellement atteinte à la qualité et à la crédibilité du contenu. Nous pensons que c’est une idée reçue qui a la vie dure. Les auteurs photographes, les universitaires et experts de tous bords, devraient plus interagir dans la production d’images avec moins de barrières académiques. Notre modeste intervention aimerait participer au dynamisme de ce champ interdisciplinaire dans l’esprit de nos autres contributions au Diploweb.com, fenêtre ouverte.

Tanzanie. Notes photographiques, humeurs géographiques, questions politiques et stratégiques
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Prise de vues de la route principale (section non revêtue) qui traverse et qui connecte les grands parcs du Masai Mara et du Serengeti en direction du Ngorongoro. Un axe qui assure l’accessibilité du pays via les parcs depuis le Kenya. Parcs synonymes de ressource qui assure une rente. Des mythes qui assurent une fréquentation bien tarifée. Quelle en est la traçabilité ? Le projet de route bitumée à haute fréquentation potentielle à travers le Serengeti fait couler plus d’encre écologiste que cette question. C’est l’agence nationale Tranroad (ministère du travail) qui a la charge de l’entretien et du développement du réseau routier national tanzanien (routes nationales et régionales). Leur dernière estimation date de 2007 et annonce 86472 km de route toutes catégories confondues. Sur les 12786 km de routes nationales seules 5130 km sont revêtues. Sur les 21105 km de routes régionales seules 840 km sont revêtues. Parmi les entreprises qui remportent les contrats, on trouve de plus en plus d’acteurs chinois : la China Henan International Cooperation Group (Chico), une entreprise d’Etat dirigée par le gouvernement de la province du Henan ; la China geo ; la Sinohydro ; la China Sichuan International Cooperation Co., Ltd (SIETCO) ; la Chongqing International Construction Company(CICO) ; l’entreprise d’Etat la China Communications Construction Company (CCCC) ; etc. Une énumération sectorielle qui illustre parfaitement la pénétration chinoise de ce marché africain au potentiel de croissance gigantesque. Les entreprises japonaises comme Tokura Corporation et Kajima Corporation ont une place importante. Il est à noter que la société koweitienne M.A Kharafi & sons est également présente. Sont minoritaires quelques sociétés européennes et sud-africaines. Deux entreprises tanzaniennes interviennent dont une sur laquelle il est difficile d’obtenir des informations, la Konoike Construction Co. Limited, établie à Dar Es Salaam et la Nyanza Road.

La Banque africaine de développement (BAD) donne quelques informations sur les projets financés d’infrastructures en cours ou en devenir. Au mois de janvier 2014, les tournées africaines synchrones du Premier ministre japonais et du chef de la diplomatie chinoise sont emblématiques de la volonté du Japon de résister aux assauts de son voisin. Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), le Japon ne représente que 2,7% des échanges commerciaux de l’Afrique, contre 13,5% pour la Chine. Les promesses de Monsieur Shinzo Abe de doubler à 2 milliards de dollars le prêt au secteur privé africain auquel s’ajouteraient les 320 millions de dollars d’aide au maintien de la paix et de la sécurité, vont sans aucun doute, faire monter les enchères.

Dans cette région de Mara et du lac Victoria, des mines d’or et de diamants sont exploitées par de grandes firmes, notamment sud-africaines, canadiennes, australiennes et britanniques comme l’African Barrick Gold, leader mondial du secteur, la MDN Inc. , ou encore la très active Kibo Mining (enregistrée en Irlande) qui annonce de formidables résultats dans ses explorations du champs aurifère du lac Victoria (projet Imweru). Deutsche Welle (La Deutsche Welle ou DW est le service international de diffusion de l’Allemagne) propose en ligne un dossier-reportage sur la mine de North Mara. Le pays est le quatrième producteur d’or en Afrique, Human Rights Watch a publié le 28 août 2013, après enquête, le rapport « Labeur toxique : Enfants au travail et exposition au mercure dans les mines d’or à petite échelle en Tanzanie ». Le pays concentrerait les secondes plus grandes réserves d’or du continent, après l’Afrique du Sud. D’après la CNUCED (La Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), la Suisse importerait en 2010 environ 30% de l’or tanzanien. La confédération helvétique joue un rôle central dans les échanges mondiaux du précieux métal. L’ONG suisse, La Déclaration de Berne, a publié en 2011 « Swiss Trading SA », un ouvrage à l’impact retentissant sur les liens entre le négoce des matières premières et la Suisse. Les quatre principales sociétés étrangères qui exploitent l’or tanzanien sont citées à titre d’exemplarité d’évasion fiscale.

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« Cinquante véhicules tout terrain autour d’un éléphant ». La scène nous fait penser aux « Racines du ciel » de Romain Gary, le lac Tchad n’est pas si loin. Et ceux qui en ont fait un support au « roman écologique ». Photographes professionnels, nous sommes amenés comme ici à accompagner des photographes amateurs lors de safaris. Ce que recherchent tous ces passionnés c’est une photographie inverse à celle-là : L’image en plan serré qui isole l’animal. Une des raisons en est que c’est ainsi qu’ils sont présents dans notre musée imaginaire et dans nos représentations de l’espace. Des anecdotes iconographiques. Des icônes anecdotiques. Une fois sur le terrain, ces hommes et ces femmes s’aperçoivent que les animaux sont en fait disséminés un peu partout et qu’il est très difficile de les approcher de près. Ils découvrent le milieu et son échelle, la vie réelle, ce qu’est un « parc », un milieu de vie avec hommes, routes, bêtes, végétations, distances. Ils sont confrontés à leurs images mentales qu’ils amènent d’Europe, savamment entretenues depuis le XIXe siècle. Jumelles et téléobjectifs intercèdent alors dans ce sens et éloignent la possibilité de réaliser une photographie porteuse d’un sens différent, plus socio-politique, comme celle présentée ci-dessus qui isole l’animal mais avec ceux qui cherchent à l’isoler. Cette scène est assez rare, la plupart du temps, les visiteurs doivent se rendre à l’évidence, l’espace est prédominant, c’est celui-là que l’on « voit » surtout alors que les animaux restent éloignés et mélangés. C’est d’ailleurs ce qu’il y a d’intéressant. Nous voyons dans cette consommation d’un type d’image en particulier l’impact qu’elles ont sur la construction d’un discours populaire et parfois populiste sur le développement affublé de l’adjectif durable ou non. La mise en abîme en photographie correspond à l’attention portée au contexte et aux échelles dans l’analyse.

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Un rond-point de la ville d’Arusha aménagé avec des bassins d’eau. Choix intéressant de la statue du soldat qui protège, qui sauve la vie peut-être, « Water for life », qui fait penser au mythe contemporain du soldat qui ne tue plus mais qui soigne, tel le médecin. Les convives d’un mariage accompagnent sur le rond-point le couple uni qui est filmé et photographié. Choix énigmatique que ce lieu et ce mobilier urbain pour célébrer une union. Quelle symbolique est recherchée ici ? L’eau, le soldat, un marqueur de « modernité urbanistique » ? Qui possède le contrat de distribution d’eau ? Qui a obtenu le contrat des travaux publics ? Le groupe indien VA Tech Wabag Ltd (VATW) - fondée en 1924, leader du secteur du traitement des eaux en Inde - a annoncé avoir remporté un contrat de 40 millions de dollars pour la construction d’une usine de traitement d’eau en Tanzanie. De 1996 à 2007, la ville d’Arusha, comme neuf autres aires urbaines tanzaniennes, a bénéficié d’un projet de réhabilitation urbaine financé par l’IDA (l’Association internationale de développement de la Banque mondiale), qui a notamment permis une amélioration des conditions d’accès à l’eau potable.

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Le « primitive business » dans toute sa caricature. Un nouveau produit dont les communautés Masaï sont la cible, tout comme des villages « pilotes » affublés des slogans du développement durable, qui complète bien celui, déjà ancien, de la nature originelle de la Vallée du Rift. Certains jours de la semaine, une grappe de touristes visite ce village choisi pour bénéficier d’un programme qui « l’aide » à conserver son identité tout en misant sur une riziculture raisonnée et moderne, sur le développement d’une filière tourisme viable et équitable, sur le développement d’une bananeraie accueillant des résidences d’artistes, etc. Qui reçoit les fonds et qui bénéficie des retombées économiques dans le village ? Politique de « verdissement » ? La corruption, le népotisme, le clientélisme empêchent de redistribuer et surtout d’accéder à ce genre d’information.

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L’intérieur d’une école de village dans laquelle les édiles locaux attendent ce jour la visite d’un officiel du ministère. Les travaux de l’anthropologue Nathalie Bonini, sur l’éducation en Tanzanie en général et des Masaïs en particulier, abordent les choix politiques à l’œuvre, comme l’impact des programmes d’ajustement structurel de la Banque mondiale et du Fond monétaire international (FMI) sur les orientations éducatives à partir des années 1990. Elle pointe du doigt la diminution des budgets alloués à l’Education nationale et la restriction de la liberté d’action des dirigeants nationaux [1].

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À une centaine de mètres de l’école du village, une immense église en fin de construction. La capacité d’accueil de cette dernière est bien supérieure à celle de l’école. L’affairisme des églises évangéliques pentecôtistes, surtout celles dites « du réveil », connaît un essor fulgurant en Afrique subsaharienne, la Tanzanie n’est pas épargnée. Ces dernières années, les mass médias s’emparent assez régulièrement des exactions commises sur l’île de Zanzibar, en montant en épingle assassinats de prêtes catholiques et incendies d’églises évangéliques.

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Le centre ville de Stonetown à Zanzibar. Au-delà ou au sein des tensions politiques latentes sur l’île, les opportunités d’investissements guident des intérêts variés. L’Unesco (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) n’est pas la seule à intervenir, des fondations religieuses du Moyen-Orient prennent à leur charge la rénovation de nombreux bâtiments du centre historique. En parallèle, Aéroports de Paris Ingénierie (ADPI) a été sélectionné pour participer à la reprise des travaux de modernisation de l’aéroport international de Zanzibar. Le chantier devient une coopération franco-chinoise puisque c’est l’entreprise de construction BCEG (Beijing Construction Engineering Group) qui avait démarré les travaux.

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Le port de Dar es Salaam est traditionnellement présenté comme le débouché par voie ferrée de la copperbelt zambienne sur l’Océan indien (aussi connecté par pipeline à la raffinerie de Ndola en Zambie) et un peu moins souvent comme un port de tous les trafics, d’armes vers la RDC (République démocratique du Congo) notamment. Le port draine également l’arrière-pays minier de la région du lac Victoria. Dar es Salaam et les activités extractives aux alentours du lac Victoria sont les deux principaux centres de consommation énergétique et l’électricité est un problème. Or la mise en production récente de gaz (2012), surtout offshore, est enclavée au Sud, près de la frontière mozambicaine. Un rapport du service économique régional de l’ambassade de France au Kenya de mai 2013 (la direction générale du Trésor propose un état des lieux du secteur gazier en Tanzanie) fait le point sur cette nouvelle province gazière et pétrolière qui émerge en Afrique de l’Est et dans le canal du Mozambique [2]. On apprend que les découvertes de gaz en Tanzanie sont encourageantes et que la prospection continue. Deux sites sont exploités. La junior française Maurel & Prom est aux commandes du second, Mnazi Bay. Un pipeline est en construction pour acheminer le gaz à Dar es Salam, où il alimentera une usine de production d’électricité. Selon ce rapport « L’Exim Bank of China a octroyé un prêt de 1,2 mds$ pour ce projet. Statoil a mandaté KBR pour réaliser une étude de faisabilité en vue d’une usine de liquéfaction sur la côte, l’emplacement n’est pas encore défini ». Selon le Trésor « A lui seul, il augmentera la dette tanzanienne de 4% du PIB sur l’année fiscale 2012-2013. Sa construction a été confiée en février 2012 à une société chinoise censée réaliser l’intégralité des travaux en 18 mois. En juillet 2012, ils n’ont pas encore débuté. Les opérateurs du secteur sont d’autant plus sceptiques que le projet actuel leur apparaît comme démesuré par rapport aux réserves prouvées actuelles de la Tanzanie. Plus généralement, ils déplorent une absence totale de consultation de la part des autorités tanzaniennes » [3]. Quant au pétrole, la Tanzanie pourrait servir à évacuer vers les marchés internationaux, via un pipeline entre le lac Albert et le port de Tanga, les réserves de brut enclavées de l’Ouganda, du Soudan du Sud et du Kenya. Le document insiste sur le défi d’une géopolitique pétrolière dans la région et sur « la mise en place d’un cadre institutionnel et légal pour les activités pétrolières et la gestion des revenus ». En termes d’infrastructures portuaires tous les principaux ports à conteneurs du continent sont gérés via un partenariat public-privé selon des modalités définies dans les grandes lignes par la Banque mondiale. Bolloré Africa Logistics (BAL) est, bien entendu, présent en Tanzanie et le hongkongais Hutchison Whampoa a débarqué à Dar es-Salaam. Malheureusement, le port actuel est sous-dimensionné. En 2013, un accord a été conclu avec le plus gros opérateur portuaire public chinois, China Merchants Holdings, pour construire, au nord de la capitale économique tanzanienne, le plus grand port d’Afrique. Bagamoyo devrait entrer en fonction en 2017 pour une capacité de 20 millions de conteneurs par an soit deux fois plus que Rotterdam. L’objectif est d’en faire le hub de la façade orientale africaine pour les importations depuis l’Asie et pour les exportations de ses voisins enclavés.

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Lire la route. Le constat est net. Si c’est l’évidence de noter qu’elle fixe et induit le peuplement et les activités, qu’elle capte le bénéfice du flux, que le trafic ne peut faire qu’augmenter, il est bien plus intéressant d’aviser qu’elle est surtout empruntée par les piétons, vélos, charrettes à bras et chars à bœufs. Observer les villes américaines depuis une automobile est un grand classique, l’urbanisme étant calqué sur l’usage de l’automobile. Observer les bords de routes tanzaniens depuis un camion est tout aussi instructif, sachant que les routes bitumées sont loin d’être légions et que les véhicules sont peu nombreux. Les photographies qui suivent sont des instantanés routiers, fragments de bords de route qui juxtaposent les petites activités marchandes.

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Un atelier de charrettes à bras. Un exemple de moyens intermédiaires de transport qui comblent le fossé entre la marche/portage et le transport à grande échelle assuré par camion. Un document de travail de la Banque mondiale précise que la diversité et l’utilisation des moyens intermédiaires de transport sont faibles en Afrique rurale. Le travail d’innovation et d’adoption est parfois lent à cause de la faiblesse de l’activité économique, du manque de matériaux, d’échanges d’informations et du caractère saisonnier des flux de liquidités et de la demande de transport. Des technologies à multiples usages relativement simples (bicyclette ou charrette à plateau), sont d’autant plus appropriées que la demande en transport est faible [4].

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L’impact de la téléphonie mobile et de l’Internet est immense sur le lien social et le marché est une aubaine pour qui sait y investir. Les pays côtiers sont reliés au câble sous-marin à fibre optique qui fait le tour du continent (le développement d’Internet repose également sur les satellites). Dans le souci de relier les réseaux nationaux entre eux, l’UIT (l’Union internationale des télécommunications), la Banque mondiale, l’Union africaine et la BAD (Banque africaine de développement) ont prôné l’interconnexion africaine dès 2007 lors du sommet « Connecter l’Afrique », qui s’est tenu à Kigali, au Rwanda. Il a alors été décidé, avec les Communautés économiques régionales, pour une meilleure mise en pratique de l’interconnexion africaine, d’élaborer des projets spécifiques par région : le Central Africa Backbone en Afrique centrale, le Regional Communications Infrastructures programs (RCIP) en Afrique de l’Est et australe, le West Africa Regional Communications Infrastructures Project en Afrique de l’Ouest. Dans le cadre du RCIP, le Malawi, le Mozambique et la Tanzanie ont lancé leurs grands chantiers des télécommunications en 2009. Le Kenya a été précurseur dans le domaine de la banque virtuelle, le m-banking (banque mobile). Depuis 2007, le système M-Pesa permet d’effectuer des paiements et des transferts d’argent sans posséder de comptes bancaires. Vodacom Tanzania, filiale du géant sud-africain Vodafone, a reçu en 2010 une subvention « effet d’annonce » de 4,8 millions de dollars de la fondation Bill et Melinda Gates pour améliorer son système M-Pesa. Le marché est très attractif pour les opérateurs et les investisseurs car il permet d’accéder aux millions de tanzaniens utilisateurs de téléphones mobiles alors qu’entre 5% et 10% des ménages africains disposent d’un compte bancaire [5]. Cela permet également de pénétrer l’économie dite informelle pour en tirer profit. Selon l’ISSA (L’Association Internationale de la Sécurité Sociale), le fond de pension des employés d’Etat tanzanien et Vodacom ont signé un accord aux fins de versement des prestations de sécurité sociale par le système M-Pesa. Tout abonné à Vodacom Tanzania peut cotiser, qu’il soit employé d’Etat ou travailleur du secteur informel. Les investissements de Rostam Azizi dans les mines et les télécommunications en Afrique de l’Est, et notamment en Tanzanie, laissent deviner l’intérêt du secteur. Rostam Azizi contrôle la compagnie d’investissements privés Calvary Holding, détentrice de 35% des parts dans Vodacom Tanzanie. Vodafone a annoncé en décembre 2013 qu’elle s’apprêtait à racheter la moitié de ses actions à l’homme d’affaires. Autre exemple, l’opérateur télécoms vietnamien Viettel s’efforce d’obtenir une licence de téléphonie mobile en Tanzanie. La société de téléphonie mobile Tigo, filiale du groupe Millicom, a lancé son guichet automatique à Dar Es-Salaam : la Tigo Matic. Il permettra aux consommateurs de l’entreprise de recevoir et d’envoyer de l’argent, de payer des factures, de recharger leur compte. Un bon exemple d’initiative vers le m-banking.

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Où commence la taxation sur les activités marchandes dites informelles et la corruption quand il s’agit de rattraper les pertes fiscales liées à ce secteur ? À l’heure où la Tanzanie fait partie des six prochains pays africains qui vont entrer sur le marché obligataire international en émettant leurs premiers emprunts internationaux. À l’heure où selon Global Financial Integrity (méthodologie des estimations à prendre en compte) la fuite des capitaux d’Afrique subsaharienne connaît chaque année une croissante exponentielle. Les flux illicites qui fuitent seraient bien supérieurs à l’argent injecté par les pays du Nord via l’aide publique au développement, les IDE (investissements directs à l’étranger) et les importations.

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Lectures et ressources

Généraliste : Sylvie Brunel, « L’Afrique dans la mondialisation », la Documentation française, la documentation photographique, dossier n°8048.

Sur la finance et le négoce des matières premières : La Déclaration de Berne, « Swiss trading SA », Editions d’en bas, 2011. Initiative de transparence des industries extractives (ITIE), www.eiti.org Publish what you pay (PWYP), coalition d’ONG, www.publishwhatyoupay.org Le réseau mondial d’organismes de contrôle Watchdogs parmi lesquels des ONG comme Global Witness et Revenue Watch. Global Financial Integrity, www.gfintegrity.org

Sur le tourisme des grands parcs tanzaniens et kenyans : Julien Bondaz, « Kibicho, Wanjohi. – Tourisme en pays maasaï (Kenya) », Cahiers d’études africaines [En ligne], 193-194 | 2009, mis en ligne le 29 juin 2009, consulté le 14 janvier 2014. URL : http://etudesafricaines.revues.org/14043 Kibicho, Wanjohi. – Tourisme en pays maasaï (Kenya) : de la destruction sociale au développement durable. Paris, L’Harmattan, 2007, 264 p. Noel B. Salazar « Imaged or Imagined ? », Cahiers d’études africaines 1/2009 (n° 193-194), p. 49-72. 
URL : www.cairn.info/revue-cahiers....

Sur les Eglises de réveil : Le récit graphique d’Hippolyte, « Les enfants de Kinshasa », revue XXI, numéro 17, mars 2012. Anouk Batard, « Le lobby évangélique à l’assaut de l’Ouganda », Le Monde diplomatique, janvier 2008.

Photographie : « L’Afrique chinoise », travail documentaire du photographe Paolo Woods, publié dans la revue 6 mois, n°1, 2011.

[1] - Nathalie Bonini, « Un siècle d’éducation scolaire en Tanzanie », Cahiers d’études africaines 1/2003 (n° 169-170), p. 40-62.

  • Nathalie Bonini, « Le développement de l’enseignement secondaire en Tanzanie et la scolarisation des Masai », Autrepart 2011/3 (N° 59).

[2] Rapport du 07/05/2013

[3] www.tresor.economie.gouv.fr

[4] Paul Starkey, « Solutions pour le transport local. Acteurs, exemples et contre-exemples », Programme de politique de transport en Afrique subsaharienne, Banque mondiale et Commission économique pour l’Afrique, Document de travail SSATP No. 56F , Mai 2001.

[5] Henri Tcheng, Jean-Michel Huet et Mouna Romdhane, « Les enjeux financiers de l’explosion des télécoms en Afrique subsaharienne », note de l’Institut français des relations internationales (IFRI), Paris-Bruxelles, janvier 2010.