Algérie, transition vers l’incertain

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Data de publicació:
11/2015
Autor:
Francis Ghilès, Chercheur associé, CIDOB (Barcelona Centre for International Affairs)

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E-ISSN: 2013-4428

D.L.: B-8439-2012


“L’Algérie sera le Japon de l’Afrique en l’an 2000”, aimait à dire Belaïd Abdesselam voici quarante ans. La confiance qu’avait le chef de l’État en son ministre de l’Industrie n’était guère partagée par le petit peuple qui l’avait affublé du sobriquet de ministre de la gazouz. “L’Algérie va donner une leçon de démocratie au Maroc et à la Tunisie” confiait le Général Larbi Belkheir, directeur du cabinet présidentiel, en juin 1991. Ce même été, Sid Ahmed Ghozali déclara vouloir vendre Hassi Messaoud aux étrangers, alors qu’il ne faisait qu’entériner les propositions de libéralisation du secteur des hydrocarbures préparées par l’ancien ministre de l’Énergie, Sadek Boussena. Encore une prophétie qui ne s’est pas réalisée. En juin 1994, je demandais au Colonel Fodhil Saidi, Directeur de la Documentation et de la Sécurité extérieure (DDSE) au Département du renseignement et de la sécurité (DRS), s’il partageait l’opinion de certains dirigeants algériens qui se plaignaient de mon manque de jugement sur la situation difficile que traversait l’Algérie. La réponse fut lapidaire: “Tu écris plutôt moins de bêtises que certains de tes confrères”. 

Le diagnostic

Tenter d’établir un bilan des lieux économique et financier en cet automne 2015 n’aurait aucun sens si cet exercice ne s’inscrivait dans ce que Fernand Braudel appelle le temps long. Pour l’éminent historien, le temps long se déclinait en siècles. Pour l’observateur que je suis, il se limite aux quatre décennies durant lesquelles j’ai pu observer l’Algérie. Aujourd’hui, comme il y a déjà 30 ans, une chute brutale du prix des hydrocarbures prive l’Algérie d’une partie importante de ses recettes d’exportation, dont la quasi-totalité vient du gaz et du pétrole. Ce pourcentage inchangé souligne l’échec d’un modèle de gestion économique archaïque.

L’Algérie continue à tourner le dos à l’expérience qui a permis à des pays aussi divers que la Corée du Sud, la Turquie et le Brésil, pour ne pas parler de la Chine et de l’Inde, de peser d’un poids croissant dans les grands débats qui agitent le monde. La mauvaise intégration de la grande majorité des entreprises, qu’elles soient du secteur public ou privé, dans les circuits internationaux, le peu d’indépendance vis-à-vis de l’État dont bénéficient ses grands entrepreneurs privent la diplomatie algérienne, par ailleurs fort active, de leviers d’influence essentiels.

Contrairement à ce qui était vrai autrefois, des informations économiques de qualité sont disponibles, les débats contradictoires font rage et le cercle de ceux qui s’intéressent au futur économique du pays s’est considérablement élargi. Cette évolution positive n’a pourtant pas débouché sur un débat entre le gouvernement et les acteurs politiques, médiatiques, syndicaux et patronaux, qui soit à la hauteur des défis. Il y a trente ans, le gouvernement opérait dans un secret digne de l’Union Soviétique: aujourd’hui il semble atone et donne à l’observateur étranger l’impression d’être pris de court par les changements rapides qui caractérisent le monde alentour, changements qu’il n’a pas su prévoir. Or gouverner, c’est anticiper.

À l’automne de 2015, trois facteurs bousculent la gestion de l’économie et ce d’une manière plus brutale que ne l’imaginent les ministres et les entrepreneurs algériens. En septembre dernier, un débat sans précédent tenu au Conseil National Economique et Social, en présence du gouvernement, a jeté une lumière crue sur les facteurs qui volens nolens, contraignent l’Algérie à changer son mode de gouvernance économique. 

Trois facteurs clés

  1. Le scénario le plus largement admis sur l’évolution des cours du pétrole suggère que celui-ci ne connaitra pas de rebonds. Son cours pourrait même chuter au-dessous de 30 dollars le baril. À cela, selon Rabah Arezki, chargé de l’unité matières premières au département de recherche du Fonds Monétaire International à Washington, il y a deux explications. Le gaz non conventionnel américain a remplacé dans le rôle de producteur d’appoint celui de l’Arabie Saoudite. D’autre part de nouveaux champs dont le développement a été entrepris lorsque le prix du baril était élevé entreront en production dans les années à venir. À ces facteurs s’ajoute le retour de l’Iran sur le marché, sans compter la Libye, privée d’une bonne partie de sa production.

  2. Le deuxième facteur tient aux politiques de stabilisation mises en œuvre dans les pays qui dépendent des recettes de leurs exportations d’hydrocarbures pour couvrir l’essentiel de leurs importations. La Russie offrirait ainsi l’exemple d’une stabilisation relativement réussie qui a laissé le rouble se déprécier fortement et a su maîtriser l’inflation, encore qu’à 15% celle-ci pose problème. La Russie est moins dépendante que les pays du Golfe et l’Algérie de ses exportations d’hydrocarbures pour couvrir ses importations de produits alimentaires et d’intrants industriels essentiels.

  3. À ces deux facteurs, Rabah Arezki ajoute un troisième, dont le poids va croissant, celui de l’impact grandissant des énergies renouvelables notamment en Chine, qui ne favorise guère les énergies fossiles sur le long terme. En Allemagne, l’énergie renouvelable contribue à hauteur de 30% aux besoins, en Espagne on est proche des 50% en période de pointe. Cet infléchissement est sensible partout et rend obsolète un mode d’analyse que l’on croyait gravé dans le bronze. Les actifs pétroliers et gaziers courent ainsi le danger d’être surévalués dans le bilan de l’Algérie. Des actifs épaves, obsolètes, pèseront lourdement sur les finances publiques. Déjà il y a dix ans l’ambition démesurée affichée par le ministre de l’Énergie Chakib Khelil de fortement augmenter les capacités d’exportation de gaz de la Sonatrach avait des relents d’archaïsme. Cette ambition faisait écho à celle de l’époque héroïque de l’industrie industrialisante qui a laissé de nombreuses épaves sur le bord du chemin: cimenterie démesurée à Chlef qui a détruit les plus beaux vergers de l’Algérie, aciérie mal conçue dès le départ à El Hajjar –entreprise dont la recapitalisation à répétition a coûté une fortune et dont la privatisation voici dix ans a été un scandale absolu- mais aussi des usines mécaniques construites par des compagnies allemandes et qui restent de loin la contribution la plus durable aux efforts de bâtir une vraie base industrielle. Les banques publiques sont quand à elles des dinosaures d’une espèce ailleurs disparue et dont les recapitalisations à répétition ont coûté très cher. Leur fonctionnement obsolète prive l’Algérie d’un outil de développement efficace. Relisez le chapitre consacré au secteur financier dans Les Cahiers de la Réforme, rédigés par la présidence entre 1986 et 1989. Le surplace est une forme raffinée d’art politique dans ce pays.

Cet immense gaspillage de l’investissement public s’explique par l’absence de réflexion sur l’économique au niveau de l’État. Si une partie de ces fonds, investis en pure perte, avaient été utilisés à former la jeunesse de ce pays à des techniques modernes, à financer des incubateurs de petites entreprises dans le domaine de l’énergie et au-delà, à encourager de jeunes entrepreneurs à se lancer dans l’aventure de l’entreprise, à faciliter les joint-ventures avec des partenaires étrangers, l’économie algérienne serait mieux en mesure d’affronter les défis auxquels elle est confrontée. Le poids mort d’une bureaucratie tournée vers le passé et obsédée par la régulation, qui se défie de la jeunesse – atout essentiel de ce pays, interdit à l’Algérie de participer à la globalisation et d’en retirer des emplois, des richesses, des échanges fructueux avec l’Europe mais aussi avec l’Amérique Latine, l’Afrique et l’Asie.

Il est grand temps que les décideurs économiques considèrent la technologie comme une alliée et non pas comme une ennemie. Un tel changement de cap obligerait à regarder les joint-ventures avec des entrepreneurs publics et privés étrangers comme autant d’opportunités et non pas comme des risques pour la souveraineté nationale. De quelle souveraineté nationale parle-t-on au juste quand plus de la moitié des besoins alimentaires de 40 millions d’Algériens dépendent de l’étranger?

Mais l’État algérien dispose-t-il en 2015 des équipes capables de mener à bien une politique de réformes? Que reste-t-il du ministère du Plan d’antan, pépinière de talents? À la Sonatrach, les turbulences de cette dernière décennie ont gravement compromis la capacité de mobilisation et de gestion des dirigeants. La perte de confiance des cadres techniques expérimentés qui sont en train de prendre leur retraite anticipée à tour de bras suggère que la tentative d’insuffler un nouveau souffle à ce secteur après 2012 a fait long feu. Le nouveau ministre algérien de l’Énergie peut bien tancer les cadres de la compagnie et critiquer leur manque de réactivité face au bouleversement du marché des hydrocarbures mais ni lui-même ni le nouveau président de Sonatrach n’ont l’expérience professionnelle qui justifie leur nomination aux postes qu’ils occupent. Rien ne sert de critiquer certains hauts cadres dont l’expérience technique à l’international aurait amplement justifiée leur nomination comme ministre ou président de la Sonatrach. Jamais depuis l’indépendance ce secteur stratégique n’a été confié à des gens si peux expérimentés.

De plus en plus nombreux sont les cadres et hauts fonctionnaires compétents, car ils sont légion et s’expriment lors de colloques et dans les médias, qui évoquent un “délabrement” plus général de l’administration. Il n’existe en Algérie aucun institut de réflexion stratégique digne de ce nom. L’Institut de Stratégie Globale pouvait tenir son rang à l’époque où il était dirigé par feu Mohammed Yazid, le peut-il en 2015? Il est frappant qu’à la réunion du Conseil National Economique et Social il y a deux mois, les organisateurs n’aient pas songé à inviter des économistes chinois, indiens, anglais ou allemands. Quelques français, des troisièmes couteaux, tout au plus. C’est du Jurassic Park à l’état pur. 

L’état des lieux

Les finances publiques sont délabrées. Les exportations de gaz et de pétrole ont baissé – en quantité, de 9% et en valeur de 42% entre les premiers semestres de 2014 et 2015 (c’est-à-dire de 33,21 à 19,28 milliards de dollars). Cette baisse s’inscrit dans un contexte d’effritement de la production de pétrole qui est passée de 2 millions de barils par jour à 1,5 million entre 2005 et 2014, la production de gaz chutant pour sa part de 88 milliards de mètres cubes à 78 sur la même période. Au vu de l’échec des appels d’offres (4 permis attribués pour 31 offerts en septembre 2014) et de la réticence de nombreuses compagnies internationales à s’engager en Algérie, il est peu probable que la Sonatrach puisse mener à bien son ambitieux projet d’exploration 2014-2019 qui prévoit un investissement de 102 milliards de dollars.

La croissance des importations, elle, se poursuit même si dans certains secteurs, notamment alimentaire et automobile, la contraction est forte. Ce commerce se fait sur des bateaux étrangers, la Compagnie Nationale de Navigation d’antan ayant été bradée au sulfureux homme d’affaires saoudien Gaith Pharaon au début du siècle. Le résultat est sans surprise: les réserves de change enregistrent une forte contraction et s’établiront sans doute à 130 milliards de dollars en fin d’année contre 178 milliards un an plus tôt. Cette fonte des réserves aurait pu être freinée par une dépréciation plus forte du dinar mais le gouvernement s’y oppose. Cette dépréciation opère donc sur le marché parallèle qui offre un baromètre fidèle de la confiance, ou manque de confiance du peuple dans ses dirigeants. Quand un gouvernement admet officiellement que l’écart entre la facture des importations et leur valeur réelle est de 30%, autant dire qu’il ne contrôle plus rien.

L’Algérie se félicite d’avoir une dette extérieure négligeable. Mais le chiffre de la dette extérieure d’un pays n’est pas d’un grand intérêt en soi. Tout dépend de l’usage qu’on fait des sommes empruntées. Si elles servent à financer des investissements productifs, à diversifier le tissu industriel, à promouvoir la petite et moyenne entreprise, à encourager la recherche et le développement des sciences sociales et exactes, il n’y a rien à redire. Si les emprunts servent à financer les salaires dans le secteur public, un boom immobilier et de grands chantiers d’infrastructure, notamment avec des entreprises domestiques et étrangères, dont les prix sont largement surfacturés et la qualité des prestations médiocre (autoroute est-ouest entre autres chantiers), on va vers des lendemains qui ne chantent guère.

Il est vrai que les grands équilibres macroéconomiques ont été préservés mais les problèmes structurels demeurent et s’aggravent. Le Fonds de Régulation des Réserves peut servir à masquer la réalité, mais pas indéfiniment. Ce fonds aurait pu, s’il avait été déployé stratégiquement comme certains fonds d’investissement souverains qui se sont développés depuis vingt ans, servir à acheter des actifs dans de grandes compagnies internationales avec lesquelles l’Algérie souhaite travailler.

Au moment de la grande crise de Peugeot, ce fleuron de l’industrie automobile française, l’Algérie aurait pu rentrer dans le capital et, ce faisant, s’attirer les faveurs de l’opinion publique française. La logique industrielle était imparable puisque le gouvernement algérien souhaitait attirer des chaînes de montage de voitures étrangères en Algérie. Finalement les Chinois sont entrés dans le capital de Peugeot. Peugeot et Renault viennent en Algérie mais y investissent moins qu’au Maroc. Ils produisent pour le marché national alors qu’au Maroc ils produisent pour exporter. Le constat est sans appel: le gouvernement algérien ne s’est jamais donné la peine d’élaborer une politique industrielle digne de ce nom. Y a-t-il même songé?

La hausse du revenu moyen a été rapide: il a franchi le cap des 5.000 dollars dès 2011: mais cette augmentation masque des inégalités croissantes entre ceux qui comprennent les mécanismes intérieurs du système –salariés du secteur public, importateurs et distributeurs- et ceux qui en sont exclus et fonctionnent dans un secteur informel qui envahit tout ou n’ont tout simplement pas de travail. Le taux de chômage officiel de 20% pour les jeunes n’est tout simplement pas crédible si l’on en croit le taux de participation à l’emploi qui est de 45% seulement.

S’ajoutent à ces inégalités intérieures celles qui jouent à l’extérieur: à combien se chiffre la fuite des capitaux depuis une génération - 100 milliards, 200 milliards de dollars ou plus? Est-il dans l’intérêt de l’Algérie de contribuer à la prospérité de l’immobilier parisien ou d’Alicante? Pourquoi ne fait-elle pas appel aux nationaux français, anglais, belges, canadiens ou américains d’origine algérienne qui ont font de brillantes carrières dans les grandes entreprises? La Chine et l’Inde n’hésitent pas recourir à leur diaspora : pourquoi l’Algérie se refuse-t-elle à suivre une voie tracée par des pays dont la réussite économique est incontestable?

Le gouvernement fait tout pour assurer la paix sociale, mais ce au prix d’une gabegie en subventions dans le domaine de l’énergie et des produits alimentaires. Les subventions directes et implicites dans le budget de 2013 se chiffrent, selon Ali Aissaoui d’Apicorp, à 61,8 milliards de dollars, ce qui représente 29% du PNB. Les deux tiers du montant des subventions implicites s’expliquent par les subventions dans le domaine de l’énergie dont l’utilisation domestique croit à un rythme de plus de 10% par an. Ces subventions encouragent aussi la contrebande aux frontières marocaine et tunisienne (elle équivaut à plus d’un milliard de dollars en 2015) et accumulent un gaspillage dans un secteur essentiel, qui devrait pouvoir vendre l’énergie qu’il produit à un prix plus proche de celui du marché. Que se produira-t-il le jour où l’Algérie consommera plus d’énergie qu’elle n’en exporte?

Il ne faudra pas se plaindre si un jour une cure d’amaigrissement est imposée de l’extérieur comme ce fut le cas en 1994. Une telle éventualité ne peut être exclue et ne sera pas le résultat d’un complot mais d’une réalité inéluctable qui finira par s’imposer. L’Algérie a montré en 1989-1991 qu’elle avait des hommes de talent qui pouvaient à la fois rêver de réformes, les élaborer et les mettre en application. Ces multinationales ont plus cru aux réformes que beaucoup d’hommes politiques et militaires qui minèrent les réformes de l’intérieur. Malheureusement, ce pays dévore ses enfants talentueux avec une voracité qui fait peur. Elle préfère ceux qui acceptent les plans d’austérité du FMI à ceux qui tentent de trouver des solutions plus conformes aux intérêts du pays. Pourquoi ce patriotisme dévoyé est-il tant à l’honneur? 

En perspective

L’Algérie se désindustrialise à grands pas, ce qui est surprenant vu les ambitions affichées dans la décennie 1970. On peut ne pas partager toutes les convictions économiques du président Houari Boumediene, mais on doit lui reconnaître une noble ambition. Ce qui a été fait par la Sonatrach à l’époque mérite le respect, le développement du gaz naturel est à l’honneur des techniciens de ce pays. Quelle tristesse de voir tout cela sombrer depuis dix ans dans la corruption et la collusion avec les dirigeants néo-conservateurs américains. Quel spectacle bizarre de voir le président Vladimir Poutine et le roi d’Arabie Saoudite intervenir au plus haut niveau de l’État pour expliquer que la proposition de loi sur les hydrocarbures soumise à l’Assemblée Nationale revenait à vendre ce pays aux Américains. Où est passé la fierté nationale – la rejla?

Le taux d’investissement des entreprises, publiques et privées confondues, a chuté de 30% au milieu des années 1970 à moins de 10% du PNB aujourd’hui. Ce taux oscille de 25 à 35% dans les pays émergents à forte croissance soutenue comme la Malaisie, le Vietnam ou le Brésil. Dans bien d’autres domaines, l’Algérie ne tient pas le rang qui pourrait être le sien au sein des pays à revenu intermédiaire. Quelles que soient les faiblesses de certains classements méthodologiques, l’Algérie est en position médiocre pour ce qui a trait à la compétitivité, au système bancaire, au climat des affaires. Le contraste avec la situation il y  a vingt-cinq ans est frappant.

En un peu plus de dix-huit mois, entre l’adoption par l’Assemblée Nationale de la Loi sur le Crédit et la Monnaie en avril 1989 et les élections de décembre 1991, plus de cent accords de joint-venture ont été signés, à la Banque d’Algérie, alors autonome, entre des compagnies algériennes et des fleurons des grandes compagnies internationales européennes, asiatiques et nord-américaines. La confiance manifestée par de nombreux dirigeants industriels, financiers et politiques de par le monde dans la capacité de l’Algérie à mener de grandes réformes, d’accepter de s’insérer dans le jeu international de la mondialisation, s’est manifestée dans un contexte politique interne et externe turbulent. Si les réformes n’aboutirent pas, la faute ne se trouve guère à l’étranger. L’Algérie était maîtresse de son destin alors - elle le reste aujourd’hui.

Cette analyse du temps long des réformes économiques en Algérie me conforte dans la conviction que si ceux qui ont la charge de la gestion économique de ce pays osent dire la vérité au peuple, s’entourent des compétences nécessaires - qui sont légion à tous les étages de la pyramide des âges- et offrent un plan de sortie de crise clair, tout est jouable. Si la politique de l’autruche reste à l’honneur -et le sable ne manque pas dans ce pays-, les turbulences seront à la hauteur des défis qu’on se refuse à affronter. L’histoire ne se répète jamais mais, à toujours nier les leçons qu’elle offre, on se condamne à ne jamais construire l’avenir, à transiter donc vers l’incertain.

Francis Ghilès, Chercheur associé, CIDOB (Barcelona Centre for International Affairs)