´Macédoine : pas d’intégration européenne sans accord avec la Grèce´, Slavica Rizovska

Dnevnik, courrierdesbalkans

Macédoine : pas d’intégration européenne sans accord avec la Grèce

Traduit par Slavica Rizovska
Publié dans la presse : 13 octobre 2010
Mise en ligne : mardi 16 novembre 2010
 
La Macédoine doit comprendre que son intégration européenne ne sera possible qu’une fois résolu le « conflit du nom » qui l’oppose à la Grèce. L’UE n’a aucune intention de s’investir davantage dans la résolution du litige et, pour elle, les choses sont claires : c’est à la Macédoine de prendre des initiatives. Or, aucune proposition ou idée nouvelle ne vient de Skopje... À Bruxelles, la Macédoine déçoit.

Par Svetlana Jovanovska

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Statue d’Alexandre à Prilep

L’UE n’interviendra pas dans le litige du nom et elle n’a pas l’intention de jouer un rôle quelconque tant qu’Athènes et Skopje ne se mettront pas d’accord sur une formule globale de résolution du conflit, et ne demanderont pas l’aide de l’Union Européenne ou d’un ses pays membres.

« Pour l’instant, l’Union européenne n’a aucune intention d’interférer dans ce litige. La médiation menée sour l’égide des Nations Unies est parfaitement définie, et Bruxelles n’a aucune intention de soulager les parties dans ce conflit. Nous ne voyons pas pourquoi ni comment ce litige pourrait plus facilement trouver une solution sous l’égide européenne que sous l’égide actuelle de l’ONU. Notre position est claire : la Macédoine doit comprendre que son intégration dans les institutions européennes ne sera possible qu’une fois le problème du nom résolu », nous a rappelé un diplomate européen.

Ce diplomate cite les propos du chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton qui, au début du mois de septembre, a encore rappelé au chef de la diplomatie macédonienne que demander de fixer une date pour le début des négociations européennes sans trouver au préalable un terrain d’entente avec Athènes serait une perte de temps.

D’après les diplomates, un accord avec Athènes ne veut pas forcément dire une solution définitive, mais une sorte « d’accord préalable à un contrat », dont l’initiative doit être prise par la partie macédonienne, car il est plus qu’évident que la Grèce n’a aucune raison de se presser.

Certains pays membres de l’UE voudraient que le conflit du nom soit rapidement résolu et ils sont même prêts a prendre part aux négociations en vue de les faciliter, mais il faudra le leur demander de manière explicite. Le même diplomate que nous avons interrogé rappelle que la Macédoine cite constamment l’exemple du conflit slovéno-croate, qu’elle aimerait voir suivi pour résolution du problème gréco-macédonien : dans cette perspective, l’Europe devrait aider la Macédoine en engageant les négociations d’adhésion alors que celle-ci poursuivra en parallèle ses négociations avec la Grèce. « Il est pourtant important de rappeler que Zagreb et Ljubljana se sont mis d’accord de manière bilatérale pour trouver un arbitrage. Ce n’est qu’ensuite qu’ils ont demandé au Commissaire pour l’élargissement Olli Rehn d’entrer en scène », souligne ce diplomate.

Il ajoute que la Macédoine et la Grèce, jusqu’à présent, n’ont rien fait de concret pour essayer de rapprocher leurs positions et n’ont même pas réussi à se mettre d’accord sur la manière dont les négociations doivent se mener.

« En dehors d’une série d’accusations pour essayer de désigner le responsable du blocage de la situation, nous n’avons rien entendu de concret », constate Bruxelles. Depuis les mois de juin, les plus hauts responsables macédoniens ont eu quatre entrevues avec le Commissaire pour l’élargissement et la politique européenne de voisinage, Stefan Füle. Et, à chacune de ces entrevues, la déception de Bruxelles a toujours été plus grande : il a fallu constater le manque d’initiative, l’absence de tout pas en avant dans la recherche d’une issue possible au conflit.


Retrouvez notre dossier :
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Le message le plus sincère a été envoyé début octobre par le directeur politique du ministère des Affaires étrangères slovène, Matej Marn, qui a ouvertement notifié que, dans ce litige, le pays qui manque d’initiative est la Macédoine. Comme les diplomates de Bruxelles, Matej Marn n’exclut pas l’hypothèse que l’UE ou l’un de ses États membre puisse se joindre au processus de résolution du conflit mais, pour cela, des initiatives doivent être prises par les deux parties. Il a aussi déclaré qu’il est possible de commencer les négociations d’adhésion à l’UE et de les mener en parallèle avec les négociations inhérentes au problème du nom. Mais, souligne-t-il, c’est aux deux pays concernés d’en prendre la décision. « La Slovénie ou un autre pays membre ne pourront aider les deux parties que dans un second temps, non pas en jouant un rôle de médiateur mais plutôt de ’facilitateur’ », a déclare Matej Marn.

À Bruxelles, on souligne qu’un message aussi clair n’avait pas été adressé à la Macédoine depuis longtemps et que ce message doit être entendu sans que Skopje cherche encore à se justifier en arguant de la « mauvaise volonté grecque ». « Si la partie grecque ne fait pas preuve de bonne volonté, alors la Macédoine doit faire quelque chose de plus que ce qu’elle fait déjà, afin d’essayer de rendre la Grèce plus coopérative » conseillent les diplomates européens.

L’UE espère néanmoins toujours une prochaine issue positive au litige. « Les messages reçus au mois de juin dernier étaient excellents. Ensuite, la Grèce a demandé une suspension de deux semaines des négociations, et c’est alors que les choses sont allées de travers. Finalement, l’épisode de New-York est venu éteindre tout espoir quant à l’issue des négociations », raconte un autre diplomate.

Ces dernières semaines, suite aux discussions menées avec les dirigeants macédoniens, Bruxelles a eu l’impression que c’est en fait la Macédoine qui refuse toute forme de médiation européenne, par crainte d’être forcée à accepter un compromis qui ne conviendrait pas aux intérêts du pays.

« La Macédoine a perdu beaucoup d’amis en Europe et ne s’investit pas assez auprès des principaux acteurs de la scène politique européenne. De plus en plus de personnes pensent que la Macédoine a peur de toute éventuelle intervention extérieure dans le conflit du nom », affirme un autre diplomate.

Il fait remarquer que les références répétées de la Macédoine à l’exemple slovéno-croate s’adressent surtout aux médias et pas aux responsables européens dont elle pourrait réellement recevoir une aide précieuse.

Ali Ahmeti déçoit aussi Bruxelles

Début octobre, le dirigeant de l’Union démocratique pour l’intégration (BDI) a également effectué une visite à Bruxelles, mais Ali Ahmeti a déçu les fonctionnaires de la Commission. « Nous nous attendions à entendre de la part du partenaire de coalition du VMRO-DPMNE une proposition nouvelle, une idée, une initiative en vue de débloquer la situation actuelle de la Macédoine. Mais la sincérité nous oblige à reconnaître que nous avons été bien déçus et que nous avons eu l’impression de perdre notre temps », nous a confié un des interlocuteurs d’Ali Ahmeti.

Les fonctionnaires européens espérait que le dirigeant du BDI ne se serait pas contenté d’exprimer son insatisfaction à cause du blocage des perspectives européennes de la Macédoine, mais qu’il aurait formulé des idées nouvelles pour relancer les négociations avec Athènes et pour faire avancer les réformes en cours.

« Malheureusement, Ali Ahmeti n’avait pas une seule nouvelle idée ou proposition. En fait, il partage notre analyse sur la complexité de la situation politique macédonienne mais, alors même que son parti est membre de la coalition gouvernementale, il ne sait pas dans quelle direction avancer », déclarent nos interlocuteurs. Ces derniers sont de plus en plus convaincus que le BDI est tellement bien installé dans son fauteuil au gouvernement qu’il commence à s’accoutumer à une sieste prolongée qu’il n’a nullement l’intention d’interrompre pour le moment.