(New York, le 9 novembre 2011) – La Tunisie doit abandonner son projet dŽextrader lŽancien Premier ministre libyen Al-Baghdadi al-Mahmoudi vers son pays dŽorigine, où dans les circonstances actuelles il encourt un risque réel d’être torturé, a déclaré aujourdŽhui Human Rights Watch.
Les autorités du Conseil national de transition libyen (CNT) se sont engagées à traiter tous les détenus de manière équitable et à mener des enquêtes sur les cas où des violations sont commises, mais elles ne sont pas en mesure dŽexercer sur les forces de sécurité et sur les nombreux lieux de détention existant en Libye un contrôle adéquat qui puisse garantir la sécurité dŽAl-Baghdadi al-Mahmoudi sŽil est extradé, a affirmé Human Rights Watch.
« Envoyer des suspects dans un pays où existe un véritable risque quŽils soient torturés est interdit par le droit international », a rappelé Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Extrader al-Baghdadi al-Mahmoudi en Libye à lŽheure actuelle, alors que le CNT ne peut pas garantir sa sécurité, lŽexposerait à un risque très sérieux de sévices. »
En septembre 2011, les autorités de Tunisie ont arrêté al-Baghdadi al-Mahmoudi pour être entré illégalement dans le pays. Bien quŽune condamnation à six mois de prison pour ce délit ait été annulée en appel, il a été maintenu en détention à la suite du dépot dŽune demande dŽextradition par la Libye. Le 8 novembre 2011, une cour dŽappel a ordonné son extradition vers la Libye.
Human Rights Watch a documenté des cas récents de mauvais traitements de détenus à Tripoli et à Misrata, ainsi que dŽapparentes exécutions sommaires de personnes soupçonnées dŽêtre des partisans de Mouammar Kadhafi, par des combattants anti-Kadhafi. Ce qui apparaît comme les meurtres pendant leur détention de Mouammar Kadhafi et de son fils Mouatassim, le 20 octobre par des membres de groupes combattants à Syrte, est en particulier une source de préoccupation quant au traitement qui pourrait être réservé à Al-Baghdadi al-Mahmoudi, selon Human Rights Watch.
En outre, les nouvelles autorités libyennes nŽont pas encore mis sur pied dŽinstitutions judiciaires opérationnelles qui puissent assurer que les détenus bénéficient des garanties dŽune procédure régulière.Depuis la chute du gouvernement Kadhafi à la fin août 2011, des brigades locales, des milices et dŽautres groupes de sécurité alliés au CNT ont arrêté des milliers de personnes et les ont maintenues en détention sans que leurs cas nŽaient été juridiquement examinés de façon appropriée, a souligné Human Rights Watch.
« Les nouvelles autorités de Libye nŽexercent pas encore un contrôle suffisant sur les nombreux groupes armés locaux pour assurer la sécurité dŽAl-Baghdadi al-Mahmoudi », a affirmé Joe Stork. “Human Rights Watch a découvert des cas sérieux de mauvais traitements dans des lieux de détention auxquelles les autorités doivent remédier, et qui incluent des passages à tabac et des tortures par électrochocs. »
Le droit international interdit dŽextrader ou de transférer des personnes vers un pays où elles sont susceptibles dŽêtre torturées, a rappelé Human Rights Watch. LŽarticle 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradantsde 1984 impose aux pays de sŽabstenir de renvoyer une personne là où elle courrait le risque dŽêtre soumise à la torture. La Tunisie a ratifié cette Convention en 1988.
Les motifs pour lesquels Al-Baghdadi al-Mahmoudi est recherché par la Libye nŽont pas été clairement révélés. Selon une information de presse, les autorités libyennes affirment quŽil fait lŽobjet dŽaccusations de corruption et dŽautres crimes.
Le porte-parole du ministère de la Justice tunisien, Kadhem Zine El Abidine, a déclaré le 8 novembre à lŽagence Associated Press que pour que lŽextradition ait lieu, le président tunisien devait promulguer un décret ordonnant le retour en Libye dŽAl-Baghdadi al-Mahmoudi. Selon lŽavocat de ce dernier, Mabrouk Kourchid, une fois le décret présidentiel signé, al-Baghdadi al-Mahmoudi pourra porter plainte devant un tribunal administratif pour contester la décision, mais une telle démarche ne suspendra pas la procédure dŽextradition.