¿Quién manda en Kosovo?

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Kosovo : qui est le patron ?
Traduit par Stéphane Surprenant
Publié dans la presse : 26 février 2008
Mise en ligne : mercredi 5 mars 2008

Le Kosovo est indépendant depuis le 17 février, mais personne ne sait qui détient formellement le pouvoir décisionnel. La mission de l’Union européenne, Eulex, doit prendre le relais des Nations Unies et de la Minuk d’ici quelques semaines sans qu’aucun calendrier ne puisse être raisonnablement assuré. De son coté, Belgrade intensifie son influence sur les régions serbes du Kosovo alors que le gouvernement de Pristina reste étonnement discret.

Par Tim Judah

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Pieter Feith

 

Quelques semaines après la déclaration d’indépendance du Kosovo, on ne sait toujours pas exactement qui est responsable et qui est supposé faire quoi.

En effet, le plan de la mission de l’Onu, la Minuk, de graduellement transférer le pouvoir à l’UE et au Bureau civil international (BCI) connaît des difficultés.

Pour compliquer la situation, le Premier ministre de la Serbie, Vojislav Kostunica, a annoncé lundi 26 février que la Serbie a « l’intention d’assumer le pouvoir dans certaines parties du Kosovo où des citoyens loyaux considèrent toujours Belgrade comme leur gouvernement ».

Il a ajouté que la « Serbie fera tout ce qui est possible pour continuer à exercer sa juridiction et ses prérogatives étatiques sur tous les citoyens du Kosovo qui sont Serbes et non albanais ».

Il y a donc, pour le moment au moins, plusieurs rivaux qui manœuvrent pour affirmer leur influence au Kosovo.

D’après le plan élaboré par Martti Ahtisaari, l’ancien Président de la Finlande, la Minuk devrait théoriquement céder sa place au BCI et à la mission de l’UE, appelée Eulex, dans un délai de 120 jours.

Le plan prévoit d’accorder une autonomie considérable aux zones peuplées par des Serbes, mais au sein d’un État indépendant.

Bien que le plan Ahtisaari ne soit pas parvenu à obtenir l’aval du Conseil de sécurité de l’Onu, le Kosovo avait déclaré qu’il demeurerait « légalement lié » aux obligations contenues dans ce plan lorsqu’il proclamerait son indépendance.

Toutefois, il est désormais difficile de voir comment le transfert planifié des responsabilités de l’Onu à l’UE et au BCI va fonctionner.

Pieter Feith, qui est supposé assumer au Kosovo la double responsabilité de Représentant spécial de l’UE et celle de directeur du BCI, est déjà sur place, mais ses pouvoirs réels n’ont pas encore été complètement établis.

Techniquement, le BCI n’a pas encore été formé - ce qui est la responsabilité du Groupe de pilotage international (International Steering Group, ISG), qui s’est réuni jeudi 28 février à Vienne.

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« Non à l’Eulex »
Une action du mouvement
albanais « Vetëvendosje »

 

C’est à ce moment seulement que le compte à rebours de 120 jours a commencé pour le BCI. Par contre, le compte à rebours pour l’Eulex a déjà débuté.

Quant au compte à rebours de 120 jours destiné à permettre à la Minuk de se retirer en bon ordre, qui devait se dérouler en même temps, il n’a pas encore commencé.

Et tout se passe comme si cette procédure n’allait jamais être déclenchée, car la Russie s’opposera à ce que l’Onu quitte le Kosovo, ou même à ce qu’elle réduise drastiquement la taille de sa mission.

Pareil arrangement est bien sûr intenable à long terme, puisque le gouvernement du Kosovo entend créer bientôt un ministère des Affaires étrangères et un ministère de la Défense, des secteurs qui ont été jusqu’ici réservés à la Minuk et à la KFOR, la force de l’Otan au Kosovo qui compte toujours 17 000 soldats.

Quel rôle va jouer la Serbie ?

Soutenue par la Russie, la Serbie a réussi à défier l’autorité du gouvernement du Kosovo, ainsi que celle de l’Onu et de l’UE.

Selon une source diplomatique, en janvier dernier, Slobodan Samardzić, le ministre pour le Kosovo de la Serbie aurait déclaré aux fonctionnaires serbes de l’enclave de Strpce que, en ce qui les concernait, il avait l’intention de demeurer leur « première et seule autorité ».

Il aurait ajouté : « Je suis le ministre pour le Kosovo et Metohija et vous devez vous conformer strictement à mes ordres ».

Or Slobodan Samardzić semble étendre son autorité. Après que des émeutiers serbes aient détruit des douanes de l’Onu dans le nord du Kosovo le 19 février, le ministre a qualifié leur action de « légitime ».

Joachim Ruecker, le chef de la Minuk, a répliqué en affirmant que si le ministre Samardzić ne s’excusait pas pour ses propos, il ne serait plus admis au Kosovo.

Mais Ruecker a été obligé de reculer. Cette nuit-là, Vuk Jeremić, le ministre serbe des Affaires étrangères, a passé quelques coups de téléphone afin de chercher de l’aide à l’étranger.

Le lendemain, « sans remord » selon une source diplomatique du Kosovo, Slobodan Samardzić s’est non seulement rendu au Kosovo, mais il a même rencontré Joachim Ruecker. Celui-ci reçoit en effet ses ordres de l’Onu et a dû s’incliner.

Ainsi, la Serbie avance ses pions avec succès et gagne en influence non seulement chez les Serbes du Kosovo, mais aussi sur la Minuk elle-même - grâce à son puissant allié russe.

Qui plus est, la Minuk ne sait pas exactement ce qu’elle doit faire. La mission de l’UE destinée à renforcer l’application de la loi se déploie, tandis que le BCI n’est même pas constitué. Une source diplomatique affirme toutefois que ce serait une erreur de trop s’en faire avec les dates et les comptes à rebours.

« Il existe une compréhension générale de ce qui doit se passer et nous avons pour objectif que tout soit terminé au mois de juin », confie une source.

Pendant ce temps, le gouvernement du Kosovo est tellement discret que l’on pourrait se demander s’il existe vraiment.

La situation devrait sans doute se clarifier progressivement. Mais, considérant la tournure actuelle des événements, la transition de l’ère de la Minuk à l’indépendance et peut-être à un protectorat de l’UE ne se déroule pas tout à fait selon le plan.

Cela était peut-être à prévoir, vu les dissensions internationales autour de l’indépendance du Kosovo et l’absence de soutien de la part du Conseil de sécurité.

Néanmoins, au cours des prochaines semaines, la mission de l’UE, qui a commencé son travail en annonçant son retrait temporaire du nord du Kosovo contrôlé par les Serbes, devra donner de la voix et asseoir son autorité, ou bien elle risque de perdre beaucoup de sa crédibilité.

Les politiciens devraient regarder en arrière et se rappeler le Kosovo en juin 1999, quand l’Onu qui arrivait avait dû surmonter le double défi que posait la Serbie - qui essayait alors de conserver une sorte de gouvernement résiduel à Pristina - et l’Armée de libération du Kosovo - qui tentait de s’emparer du pouvoir partout sur le territoire.

L’Onu est parvenue dans une certaine mesure à relever ces deux défis. Reste à savoir si l’Eulex, le BCI et le gouvernement du Kosovo auront autant de succès cette fois-ci.

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