la cuestión del nombre de los lugares

Koha Ditore, balkans.courriers.info
Kosovo : la bataille des noms de lieux
Traduit par Nerimane Kamberi
Publié dans la presse : 9 mars 2008
Mise en ligne : mercredi 12 mars 2008

Où habitez-vous ? À Peć (forme serbe), Pejë (forme albanaise) ou Ipek (forme turque) ? L’immense majorité des villes et des villages du Kosovo portent des noms d’origine slave. De nouveaux toponymes ont été inventés depuis 1999. La loi impose désormais le retour aux anciens noms, sous la forme serbe ou sa variante « albanisée ». Seuls quelques noms albanais entérinés par un long usage seront maintenus, comme Ferizaj pour Uroševac, ou Skënderaj pour Srbica...

Par Faton Ismaili

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Pejë / Peć, Istog / Istok ou Burim ?

 

Les documents d’identité d’Arben Berisha, 24 ans, de la commune de Drenas, autrefois nommée en albanais Gllogoc (en serbie Glogovac), portent tous le nouveau nom de la ville, adopté après la guerre. Conformément à la nouvelle Loi sur le nom des villes et des villages, il devra changer tous ses documents, qui devront porter le nom de la ville, comme elle s’appellait il y a neuf ans. « La loi, c’est la loi. Je suis obligé de changer le nom de ma ville dans tous mes papiers d’identité. Mais les députés auraient dû réfléchir davantage avant d’adopter une loi qui n’est pas dans l’intérêt des citoyens », s’indigne Arben Berisha. Il voudrait bien conserver le nom de Drenas sur ses papiers, mais la loi ne le lui permet pas.

Les nouveaux noms albanais des villes et villages ne pourront être utilisés que par les citoyens du Kosovo, seulement en privé et dans des cercles non officiels.

Après la guerre au Kosovo, en 1999, de nombreux toponymes slaves avaient été remplacés par d’autres noms. Entre autre, Kamenica est devenu Dardanë, Podujevo a pris le nom de Besianë, Suhareka/ Suva Reka de Therandë, Leposavić d’Albanik et Istog de Burim. Cette pratique a été aplliquée à de nombreux villages dans tout le Kosovo. Selon la loi, les villes et villages retrouveront leur nom d’avant guerre - c’est-à-dire que l’on pourra utiliser la forme serbe ou la forme albanisée des toponymes slaves.

Les responsables des institutions du Kosovo ont expliqué que même si la plupart de ces noms sont d’origine slave, cette loi devait absolument être adoptée, puisque que c’était une des conditions pour la déclaration d’indépendance.

Adem Salihaj, vice-président de la Commission pour la Législation à l’Assemblée du Kosovo, a déclaré que la Loi sur l’appelation des villes et des villages était inscrite dans le Plan Ahtisaari, et qu’elle a été adoptée sans même tenir compte des remarques qu’il a faites.

Adem Salihaj a, notamment fait des remarques sur le nom de certains villages de la commune de Ferizaj/ Uroševac, qu’il considëre comme « insensés ».

« Ces noms ne sont même pas de ceux d’avant-guerre, ce sont des noms que je n’ai jamais entendus, des noms slaves et moi j’étais contre cette loi ». Le député Salihaj pense que, même si la loi a été adoptée, elle n’est pas bonne, mais que c’était un autre compromis nécessaire pour l’indépendance du Kosovo.

« Personnellement, j’étais contre cette loi et j’ai fait de nombreuses remarques, dans la commission ad hoc, mais celles-ci n’ont pas été prises en considération ».

Bajram Rexhepi, maire de Mitrovica et président de l’association des Communes du Kosovo, a reconnu que cette loi n’était pas « parfaite », mais que demeurait la possibilité de la modifier après un certain temps.

Selon Bajram Rexhepi, la Loi sur les noms des villes et des villages a été préparée dans le cadre du Plan Ahtisaari, et il n’a pas été possible de voter contre puisqu’elle était une condition pour l’indépendance du Kosovo. « Mais cela ne veut pas dire que, passé un certain temps, on ne pourra pas la modifier et donner de nouveaux noms ».

Spécialiste d’onomastique, le professeur Jahja Drançolli, explique qu’à chaque changement de domination du Kosovo, on a modifié les noms des villes, des villages, des montagnes, des fleuves et rivières. Jahja Drançolli propose que désormais ces noms ne soient plus donnés sur base des caprices politiques du moment, mais que soit plutôt respecté l’opinion des citoyens et que soient aussi choisis des noms qui conviennent à la réalité.

« La meilleure solution est que les villes et villages portent le nom que leur donnent leurs habitants. Il faut respecter des lois scientifiques et non pas des lois politiques, on ne peut appeler un lieu autrement que d’aprés la volonté de ses habitants ».