Serbia planteará en la ONU la nulidad de la independencia kosovar

Danas, balkans.courriers.info
La Serbie poursuit son combat juridique et politique contre l’indépendance du Kosovo
Traduit par Jasna Andjelic
Publié dans la presse : 13 avril 2008
Mise en ligne : lundi 21 avril 2008

La Serbie compte toujours sur le droit international pour s’opposer à l’indépendance du Kosovo. Belgrade compte saisir la Cour internationale de justice et poursuit un actif lobbying aux Nations Unies. Dans le même temps, la Serbie veut aussi redéfinir ses relations avec la MINUK. Entretien avec Vuk Jeremić, ministre des Affaires étrangères, qui s’explique sur les choix stratégiques de Belgrade, les relations avec l’Union européenne et les tensions au sein du gouvernement serbe.

Propos recueillis par Jelena Tasić

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Vuk Jeremić

Danas (D.) : L’entrée en vigueur de la Constitution du Kosovo et le transfert des compétences de la mission de l’Onu vers celle de l’UE sont prévus pour le 15 juin. La stratégie de Belgrade est-elle d’attendre l’Assemblée générale de l’Onu en septembre pour demander la position de la Cour internationale de justice sur l’indépendance du Kosovo, afin de permettre à Priština de terminer la transition prévue par le plan d’Ahtisaari ?

Vuk Jeremić (V.J.) : De notre point de vue, aucune démarche unilatérale de Priština n’est valable depuis la proclamation de l’indépendance. Nous avons proclamées nulles toutes les initiatives de Priština. Nous nous opposons à toute approche unilatérale, par tous les moyens juridiques et diplomatiques à notre disposition. Deux institutions-clés de l’Onu sont le Conseil de sécurité et l’Assemblée Générale. Le Conseil de sécurité est complètement divisé et bloqué. Dans ce genre de situation, on fait appel à l’autre instance qui est l’Assemblée générale. Notre idée d’engager une procédure d’examen de légalité de la proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo auprès de la Cour internationale de justice a un rôle double. Tout d’abord, beaucoup de pays qui sont en train de réfléchir à leur prise de position par rapport à l’indépendance unilatérale du Kosovo auront un prétexte pour s’abstenir de valider la reconnaissance et attendre l’avis du Tribunal international. Cela limitera en même temps le nombre d’États prêts à reconnaître cette décision unilatérale. D’autre part, notre argumentation prend toute sa force sur le terrain du droit international. La période dont nous disposons jusqu’à septembre nous permet de développer des activités et d’aborder un grand nombre de pays membres de l’Onu pour expliquer nos positions. C’est une bataille diplomatique dans laquelle nous avons un léger avantage pour le moment. La demande de l’avis consultatif de la Cour internationale de justice est un processus diplomatique complexe pour lequel notre gouvernement prépare le terrain. Le gouvernement élu le 11 mai statuera sur sa continuation.

D : Il semble pourtant que Belgrade donne à Pristina la possibilité de se servir de l’argument de l’état de fait, comme elle l’a fait tout au long des huit dernières années ?

V.J. : Du point de vue du droit international, la situation sur le terrain n’est pas le seul argument pris en considération. Nous nous engageons à contester la proclamation de l’indépendance par tous les moyens juridiques et diplomatiques. Notre position sera renforcée si elle est confirmée par le vote de l’Assemblée générale de l’Onu.

D : Le retrait des ambassadeurs serbes des pays qui ont reconnu le Kosovo représente-t-il, comme l’affirment certaines critiques, la réponse la plus timide possible ? Que pouvez-vous faire de plus ?

V.J. : La palette des démarches diplomatiques est assez riche. Le premier pas est le retrait de l’ambassadeur en vue de consultation et le dernier est la rupture des relations diplomatiques. Entre les deux, il existe toute une série de démarches, et nous allons nous comporter conformément à une analyse dynamique de la situation. Nous avons choisi une stratégie qui envoie des signaux clairs de désaccord fondamental avec la politique de la reconnaissance. Le retrait des ambassadeurs a un poids significatif dans ce sens. D’autre part, cette démarche ne limite pas notre futur espace de manœuvre. Nous devons rester attentifs et tenter d’atteindre un équilibre entre l’envoi d’un signal clair de désaccord d’une part et une action qui évite l’isolement du pays de l’autre. C’était la meilleure mesure, qui permet d’envisager encore des réactions plus dures en cas de besoin.

Difficile coopération au sein du gouvernement serbe

D : Le ministère pour le Kosovo possède également une coopération internationale officielle et des compétences dans ce domaine qui proviennent de la Loi sur l’activité des ministères. Y a-t-il un conflit de compétences concernant les activités diplomatiques au sujet du Kosovo ?

V.J. : Le ministère des Affaires étrangères est chargé d’agir en direction de tous les acteurs internationaux. Nous appliquons sur le plan international la politique envers le Kosovo adoptée par le gouvernement et validée à plusieurs reprises par le Parlement. La coordination avec le ministère pour le Kosovo est présente et nous tentons de la maintenir, même dans les conditions difficiles de campagne électorale. Même si le débat est vif, nous sommes conscients que la question de la sauvegarde de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays représente l’intérêt national suprême, et nos deux ministères ont une coopérations relativement harmonieuse sur le plan de l’application de la politique de l’État précédemment adoptée. Les négociations sur l’accord provisoire avec la Minuk proviennent d’efforts communs. Une approche extérieure unique et homogène est la première condition de la continuation de notre bataille diplomatique.

D : Dans ce cas, pourquoi le Président Boris Tadić et certains ministres du DS n’étaient-ils pas au courant de la proposition d’accord avec la Minuk et dans quelle mesure leurs réactions ont-elles influencé les négociations sur l’accord avec l’Onu ?

V.J. : Malheureusement, cette proposition a été déposée sans consultations préalables au niveau gouvernemental. Je crois qu’elle aurait été meilleure si elle avait été effectuée selon la procédure adéquate. Dans tous les cas, elle représente un cadre général de négociation et, en cas d’accord, le texte final résultera d’un consensus qui fera suite à une procédure d’adoption gouvernementale.

« Le Kosovo et l’UE »

D : Pouvez-vous préciser la formule « Le Kosovo et l’UE » mise en avant par le DS, et que les opposants de ce parti qualifient de « reconnaissance tacite de l’indépendance du Kosovo » ?

V.J. : La politique étrangère de la Serbie a deux priorités fondamentales : la sauvegarde de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays et la poursuite de nos intégrations européennes. Il est pratiquement impossible de réussir dans un de ces deux domaines sans réussir dans l’autre. C’est pourquoi nous devons continuer de travailler sur ces deux priorités en parallèle. Plus notre engagement sur la voie européenne sera fort et consolidé, plus grande sera la capacité du pays à défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale. Il ne s’agit pas de choisir, c’est dans l’intérêt national de réussir sur les deux champs.

D : Le Premier ministre Vojislav Koštunica a déclaré : « nous souhaitons entrer dans l’UE, mais il faut d’abord savoir quelles sont nos frontières ». En quoi sa conception se distingue-t-elle de la vôtre ?

V.J. : Les frontières de la Serbie ne sont pas un sujet de discorde. La Serbie est un État internationalement reconnu avec des frontières internationalement reconnues. La proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo n’a aucun poids juridique pour nous, et nous poursuivons toutes les procédures, y compris celle de l’intégration européenne, comme un pays entier, sans mettre en question nos frontières. Il est vrai qu’une partie des pays membres de l’UE ont reconnu cette indépendance unilatéralement proclamée. Cependant, certains pays ne l’ont toujours pas fait, y compris l’UE dans son ensemble.

D : Quel est votre commentaire au sujet de la lettre des ministres des Affaires étrangères de la Slovénie et de la France, qui conditionne l’adhésion de la Serbie à l’UE à la reconnaissance du Kosovo et à de bons rapports de voisinage avec la future mission Eulex ?

V.J. : Je peux comprendre que certains pays souhaitent imposer ces conditions inacceptables à la Serbie. Étant donné que que la politique extérieure de l’UE est le fruit d’un consensus, je ne m’attends pas à ce que ces conditions soient officiellement posées. Certains pays membres n’ont toujours pas reconnu le Kosovo et ils ont même explicitement dit qu’ils n’avaient pas l’intention de le faire. Si tous les pays membres du « club » n’ont pas reconnu le Kosovo, il est impossible d’imaginer une situation dans laquelle la totalité des 27 pays imposerait cette condition à la Serbie.

D : Ne serait-il pas souhaitable d’organiser un référendum sur l’entrée dans l’UE pour savoir ce que les citoyens en pensent réellement ?

V.J. : Je ne pense pas que le référendum soit nécessaire, parce que les prochaines élections représentent une poursuite évidente du débat des présidentielles. Nous avons actuellement deux blocs politiques assez homogènes, et leur différence fondamentale tient à leur vision de l’avenir européen de la Serbie. Ils ne présentent pas de grandes différences de points de vue sur Kosovo ou la corruption. Les différences concernant la politique économique et sociale ne sont pas non plus fondamentales. La seule question au sujet de laquelle nos positions sont radicalement opposées est celle de l’intégration européenne. C’est pourquoi ces élections représentent déjà une sorte de référendum sur l’avenir de la Serbie dans le cadre de l’UE.