querelle des monuments en Serbie: après Preševo, Novi Pazar

Le Courrier de la Serbie

Querelle des monuments en Serbie : après Preševo, Novi Pazar

De notre correspondant à Belgrad
Mise en ligne : vendredi 25 janvier 2013
Après le retrait par la police serbe du monument aux « martyrs » de l’UÇPMB à Preševo, dimanche dernier, Belgrade voudrait qu’une plaque à la mémoire d’Aćif-effendi, maire de Novi Pazar au cours de l’occupation allemande et héros national pour une partie de la communauté bosniaque, soit enlevée. Par contre, les autorités n’envisagent pas le démantèlement du monument au chef tchétnik de Nova Varoš...

Par Philippe Bertinchamps

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La stèle contestée, dans le centre de Novi Pazar (©Novosti)

(Avec B92 et RSE) - Évoquant l’enlèvement d’une plaque à la mémoire d’Aćif-effendi, ancien maire de Novi Pazar considéré comme un collaborateur durant l’occupation allemande, le vice-Premier ministre serbe Aleksandar Vučić a déclaré jeudi que le ministère de la Justice devait agir dans le respect de la Constitution et de la loi.


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« Nous avons beaucoup de patience et de tolérance, nous ne voulons aucun conflit avec personne, et nous souhaitons résoudre les problèmes ensemble », a-t-il affirmé, ajoutant que la loi s’appliquait à tout le monde.

Aćif Hadžiahmetović, alias Aćif-effendi, fut l’un des politiciens musulmans pro-Albanais parmi les plus importants à l’époque du Royaume de Yougoslavie. Durant la Seconde Guerre mondiale, il fut partisan d’une collaboration avec l’Allemagne nazie qui le décora de la Croix de fer. En 1945, déclaré criminel de guerre pour avoir fait emprisonner et exécuter un grand nombre de Serbes et de Juifs de Novi Pazar, il fut condamné à mort et fusillé par les Partisans de Tito.

Aćif-effendi est cependant considéré comme un « héros » par une partie de la communauté bosniaque, car il a défendu Novi Pazar contre les attaques des Tchétniks. « C’était un grand homme, le fondateur de la résistance bosniaque », a déclaré l’historien spécialiste d’histoire turque et ottomane, Redžep Škrijelj.

En août 2012, dans le cadre d’un processus de réhabilitation initié par le Conseil national bosniaque, une plaque commémorative a été apposée dans la zone piétonne de Novi Pazar, en présence du mufti du Sandžak Muamer Zukorlić, de l’ancien maire Sulejman Ugljanin (alors ministre sans portefeuille), du président du Conseil national bosniaque Esad Džudžević et de l’adjoint au maire Ahmedin Škrijelj. Mais le ministère de la Justice a ordonné aux autorités locales de la retirer.

Pour Samiha Kačar, du Comité du Sandžak pour les droits de l’Homme, le gouvernement serbe devrait faire preuve de plus d’impartialité. « Je suis contre toute forme de réhabilitation de personnalités controversées. Mais le gouvernement doit être cohérent. S’il décide d’enlever la plaque à la mémoire d’Aćif-effendi, il faut qu’il démantèle aussi le monument de Vuk Kalaitović (le chef des Tchétniks dans le Sandžak, connu pour la brutalité de ses crimes, NDR.) à Nova Varoš, qui heurte la sensibilité de la communauté musulmane », a-t-il déclaré.

« Qu’y a-t-il donc au-dessus de la justice ? - L’équité », écrivait Victor Hugo [1]. Une pensée que les autorités de Belgrade feraient bien de méditer.

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[1] Quatre-vingt-treize, III, vii, v.